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 Sommaire

 1/Faute grave : bilan des jurisprudences 2015

 2/L'employeur a-t-il des chances de gagner devant le Conseil de prud'hommes ?

 3/ Entrée en application de la délégation unique du personnel réformée, loi  « Rebsamen »

 

1/Faute grave : bilan des jurisprudences 2015

 

Lorsqu’un salarié commet une faute, c’est à l’employeur qu’il revient d’apprécier, sous le contrôle des juges, si ce comportement empêche son maintien dans l’entreprise et, donc, constitue une faute grave. Les décisions rendues en 2015 en la matière constituent autant d’illustrations utiles pour apprécier la gravité de la faute d’un salarié.

 

Faute professionnelle

 

Travail mal fait. - La faute professionnelle ou contractuelle consiste en une mauvaise exécution du travail et peut justifier un licenciement pour faute grave. Un responsable sécurité dans l’industrie avait négligé de nombreuses mesures de sécurité (ex. : contrôles techniques non réalisés, absence de diligence pour faire appliquer les règles), ses manquements aux obligations de son contrat de travail constituaient une faute grave (cass. soc. 26 mai 2015, n° 14-14219 D).

 

Circonstances atténuantes. - Une comptable a signé une déclaration d’impôt à la place d’une cliente et sans autorisation de son employeur, mais son ancienneté et le caractère amical de ses relations avec la cliente pouvaient l’expliquer. Il n’y avait donc ni faute grave ni même de cause réelle et sérieuse de licenciement (cass. soc. 20 janvier 2015, n° 13-22376 D).

 

Manquement à la sécurité

 

La sécurité obligation du salarié. - Tout salarié doit prendre soin, en fonction de ses possibilités, de sa sécurité et de celle des autres (c. trav. art. L. 4122-1). Un manquement à cette obligation peut constituer une faute grave. Ainsi, un responsable de site qui a donné l’ordre de démonter des rayonnages de 4 mètres de haut en les escaladant et sans protection a commis une faute grave (cass. soc. 7 octobre 2015, n° 14-12403 D).

 

 

 

Ne pas fumer en zone dangereuse. - Un ouvrier a fumé dans un lieu où l’interdiction de fumer se doublait d’un impératif de sécurité, en raison de l’activité de la société et des produits manipulés. Le salarié ayant connaissance de l’interdiction et ayant déjà été sanctionné, son comportement constituait une faute grave (cass. soc. 16 juin 2015, n° 14-10327 D).

 

Absence injustifiée

 

Abandon de poste et absences. - L’absence injustifiée est une faute et même une faute grave lorsque :

 

- une salariée, suite à un arrêt maladie, a été absente plus de 2 mois malgré un avertissement (cass. soc. 4 mars 2015, n° 12-27941 D) ;

 

- un VRP est absent pendant 1 mois malgré une mise en demeure (passage à l’agence pour prendre le café, mais R-V clients non-honorés) (cass. soc. 17 novembre 2015, n° 14-19554 D).

 

Salarié incarcéré. - Si l’incarcération d’un salarié n’est pas un motif de licenciement, certaines circonstances peuvent néanmoins justifier un licenciement pour faute grave :

 

- tel est le cas d’un salarié qui n’a pas informé son employeur de son absence pendant un mois, alors qu’il n’était pas dans l’impossibilité de le faire et que son absence a désorganisé l’entreprise (cass. soc. 20 mai 2015, n° 14-10270 D) ;

 

- tel n’est pas le cas d’un salarié qui n’a informé son employeur qu’un mois après son absence, mais dont celui-ci ne pouvait pas ignorer la raison de l’absence (cass. soc. 22 septembre 2015, n° 14-15293 D).

 

Indiscipline

 

Refus d’exécuter le travail fixé. - Les faits disciplinaires et autres actes d’insubordination sont des motifs de licenciement pour faute. Un chauffeur de maître a décidé de lui-même de ne pas poursuivre sa mission et en a informé directement la cliente. Cette insubordination relevait de la faute grave (cass. soc. 4 février 2015, n° 13-21547 D).

 

Rappeler à l’ordre avant de sanctionner. Une cadre d’une société de services a refusé d’exécuter une partie de sa mission chez un client. Mais n’ayant pas été mise en garde, alors même que son supérieur hiérarchique était informé de la situation, il n’y avait ni faute grave ni cause réelle et sérieuse de licenciement (cass. soc. 12 mai 2015, n° 13-28028 D).

 

Malhonnêteté

 

Vols qualifiés. - Un vol justifie un licenciement pour faute grave en fonction du contexte et notamment de l’importance du bien soustrait. Il a été jugé que constituent une telle faute :

 

- le vol par un cariste ayant 12 ans d’ancienneté d’une quantité substantielle de carburant à l’entreprise (remplissage du réservoir de son véhicule et de plusieurs bidons) (cass. soc. 14 octobre 2015, n° 14-16104 D) ;

 

- le vol par un jardinier de 15 stères de bois coupé et sec appartenant à son employeur (cass. soc. 14 janvier 2015, n° 13-19811 D).

 

 

 

 

 

 

 

Fraudes en tous genres. - Un responsable qui a dissimulé un conflit d’intérêts et maintenu durant 3 ans des contrats favorisant une société dont il était actionnaire a commis une faute grave (cass. soc. 15 avril 2015, n° 13-26802 D).

 

En revanche, l’ancienneté et l’absence d’antécédents peuvent disqualifier la faute grave (voir encadré). Celle-ci a pourtant été admise pour une visiteuse médicale avec 12 ans d’ancienneté et un dossier disciplinaire vierge, ayant effectué plusieurs fausses déclarations de frais (cass. soc. 20 janvier 2015, n° 13-21540 D).

 

Insultes et violences

 

Propos insultants. - La liberté d’expression des salariés connaît des limites, et des insultes peuvent constituer une faute grave. en fonction des propos et des circonstances. Au téléphone, un salarié qui pensait s’adresser à un ami, a tenu des propos insultants à son employeur, le qualifiant de « balourd de patron ». Pour les juges, les propos ne s’adressant pas à l’employeur, il n’y avait pas de faute grave (cass. soc. 28 janvier 2015, n° 14-10853 D).

 

Un salarié travaillant sur les marchés a lancé les clés du camion à la figure de son employeur et est parti en l’insultant crûment devant les clients. La faute grave n’a pas été retenue car, outre 11 ans d’ancienneté et le caractère isolé des faits, ces insultes faisaient suite à une altercation au cours de laquelle l’employeur semblait avoir fait preuve d’une attitude provocante (cass. soc. 9 juillet 2015, n° 13-21528 D).

 

Violences. - La relation de travail suppose l’absence de violences. Ainsi, malgré le caractère isolé des faits, un magasinier auteur de violences sur son chef en utilisant une arme (bagarre et menace avec un « coutelas ») a commis une faute grave (cass. soc. 12 mai 2015, n° 14-12410 D).

 

Un salarié a harcelé moralement une collègue en lui adressant des appels, SMS et courriels dont le contenu, assorti d’injonctions ou de propos narquois, voire insultants, visait à la dévaloriser. Malgré la liaison entretenue par les salariés ces agissements constituaient une faute grave (cass. soc. 16 avril 2015, n° 13-27271 D). ✖

 

Apprécier une faute grave

 

La faute grave est celle qui empêche la poursuite du contrat de travail (cass. soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867, BC V n° 146 ; voir Dictionnaire Social, « Licenciement pour faute »). Toutefois, son appréciation dépend aussi notamment :

 

- du caractère isolé du fait fautif ainsi que de l’ancienneté du salarié (cass. soc. 29 février 2012, n° 10-23669 D) ou, à l’inverse, de la répétition de faits fautifs (cass. soc. 21 octobre 2009, n° 08-43219 D) ;

 

- de la mauvaise foi de l’employeur (cass. soc. 21 février 2006, n° 04-47481 D) ;

 

- de l’existence d’une tolérance antérieure (cass. soc. 24 mars 1998, n° 96-40401 D) ;

 

- de la position hiérarchique du salarié

 

-(cass. soc. 23 mars 2011, n° 09-43.507 D).

 

 

 

 

 

3/ L'employeur a-t-il des chances de gagner devant le Conseil de prud'hommes ?

 

  Les débats nourris autour de l'avant projet de loi El Khomri sur le plafonnement des indemnités accordées en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sont l'occasion de faire un état des lieux de la situation de la justice prud'homale et des « tendances » en matière de contentieux du travail.

 

 Actuellement, 8 demandeurs sur 10 agissent pour contester le motif de la rupture

 

Le nombre d'affaires nouvelles introduites devant les Conseils de prudhommes (CPH) est stable depuis 20 ans, autour de 200 000 nouvelles demandes chaque année au fond et en référé.

 

En 2013, 94 % des recours ont été engagés par un salarié et 93 % des affaires sont liées à la rupture du contrat de travail. Dans 78 % des cas, le litige porte à titre principal sur la contestation de la rupture du contrat de travail dont 76 % pour motif personnel, le motif économique ne comptant que pour 2 % des motifs de contestations.

 

Il est une évolution notable dans la structure du contentieux prud'homal depuis 10 ans et qui n'est peut-être pas étrangère à l'intérêt porté par le législateur à ces affaires : l'augmentation de la part des contestations du motif de la rupture, qui était de 69 % en 2004 contre 78 % en 2013.

 

On peut porter au crédit du barème de l'avant-projet de loi El Khomri, désormais abandonné, le fait d'avoir voulu cibler assez précisément le cas typique traité par les CPH, c'est-à-dire une demande formée par un salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail (80 % des demandes), et de plus en plus engagée par un salarié âgé et donc susceptible d'avoir une ancienneté importante. En effet, les salariés âgés sont ceux dont le taux de recours au CPH a le plus augmenté ces dernières années. Les plus de 50 ans représentaient 34 % des demandeurs en 2013, contre 21% en 2004.

 

La part des autres demandes liées à la rupture telles que le paiement de créances salariales ou la contrepartie d'une clause de non concurrence a fortement diminué, de 24 % en 2004, elle est passée à 15 % en 2013, alors qu'elle représentait la moitié des demandes en 1990.

 

Contrairement à ce que laisserait penser notre réputation d'adeptes de la conflictualité, ce taux de contestation n'est pas particulièrement élevé si l'on regarde chez nos voisins européens, au contraire. Selon l'OCDE, notre taux de recours aux juridictions du travail situe la France nettement en-dessous de la moyenne européenne avec 7,8 demandes pour 1 000 salariés contre une moyenne européenne de 10,6 demandes.

 

L'employeur a t'il des chances de gagner ?

 

Lorsque le litige est tranché par les juges, la demande est accueillie favorablement, totalement ou partiellement, dans les trois quarts des cas.

 

L'employeur est donc exposé à un risque important de condamnation en première instance.

 

La décision rendue est difficilement acceptée, par l'une ou l'autre des parties, car le taux de recours des décisions (hors référé) dépasse systématiquement les 60 % depuis 2008.

 

Les résultats de cet appel varient peu d'une année à l'autre : En 2012, les Cours d'appel ont confirmé totalement les décisions rendues dans 29 % des cas et partiellement dans 49 % des cas. Il est intéressant de noter que les jugements des CPH sont plus souvent que d'autres juridictions reformés par la Cour d'appel car le taux de confirmation totale des jugements de CPH est très nettement inférieur à celui constaté pour les appels des autres juridictions (46 % / 53,6 %). Les chances de l'employeur d'obtenir gain de cause devant la Cour d'appel sont donc plus élevées.

 

 

 

Combien un salarié obtient-il aujourd'hui devant le CPH ?

 

Actuellement, les indemnités sont fixées librement en fonction du préjudice subi, mais aussi de l'âge, l'ancienneté, la taille de l'entreprise, des difficultés éprouvées à trouver un emploi. Seule obligation, il existe un plancher : si le salarié a plus de deux ans d'ancienneté et que l'entreprise emploie plus de 11 salariés, l'indemnité allouée ne peut être inférieure à 6 mois de salaire brut.

 

Le Ministère de la justice a publié une étude sur les indemnités prud'homales accordées aux salariés qui a servi à construire la grille de la loi Macron et l'avant-projet de loi El Khomri.

 

L'indemnisation moyenne pour le seul licenciement sans cause réelle et sérieuse est de 24.089 €, soit 10 mois de salaires, moyenne qui grimpe à 29.424 € pour une entreprise de plus de 10 salariés. Si l'on prend l'ensemble des demandes formulées par les salariés, les condamnations s'élèvent en moyenne 40.000 € (heures supplémentaires, salaires ou primes impayés, dommages et intérêts liés au licenciement, ...).

 

Ce chiffre cache en réalité des disparités très importantes puisque les indemnités se situent dans une fourchette de 2.500 € et 310.000 € selon la nature des demandes, le salaire de référence du salarié, son ancienneté et l'effectif de l'entreprise.

 

 

 

3/ Entrée en application de la délégation unique du personnel réformée par loi

« Rebsamen »

La loi relative au dialogue social et à l’emploi a élargi le champ de la délégation unique du personnel (DUP) (c. trav. art. L. 2326-1 à L. 2326-9 ; loi 2015-994 du 17 août 2015, art. 13, JO du 18) :

-d’une part en permettant de la mettre en place jusque dans les entreprises de moins de 300 salariés (la DUP étant auparavant réservée aux entreprises de moins de 200 salariés) ;

-d’autre part, en y intégrant le CHSCT (alors que la DUP rassemblait jusqu’alors les délégués du personnel et les membres du comité d’entreprise, mais pas ceux du CHSCT).

Un décret précise les conditions d’application de cette DUP réformée, qui entre donc officiellement en vigueur le 25 mars 2016.

Le gouvernement donne tout d’abord le nombre de représentants à la DUP. Ce nombre, qui peut toujours être augmenté par le protocole préélectoral, s’établit de la façon suivante (c. trav. art. R. 2326-1 modifié) :

-de 50 à 74 salariés : 4 titulaires et 4 suppléants ;

-de 75 à 99 salariés : 5 titulaires et 5 suppléants ;

-de 100 à 124 salariés : 6 titulaires et 6 suppléants ;

-de 125 à 149 salariés : 7 titulaires et 7 suppléants ;

-de 150 à 174 salariés : 8 titulaires et 8 suppléants ;

-de 175 à 199 salariés : 9 titulaires et 9 suppléants ;

-de 200 à 249 salariés : 11 titulaires et 11 suppléants ;

-de 250 à 299 salariés : 12 titulaires et 12 suppléants.

L’effectif s’apprécie dans le cadre de l’entreprise ou dans le cadre de chaque établissement distinct, selon le niveau d’implantation de la DUP.

Le décret donne par ailleurs le crédit d’heures alloué à chaque membre titulaire de la DUP (c. trav. art. R. 2326-2 nouveau) :

-de 50 à 74 salariés : 18 heures par mois ;

-de 75 à 99 salariés : 19 heures par mois ;

-de 100 à 299 salariés : 21 heures par mois.

Ces plafonds ne peuvent être dépassés qu’en cas de circonstances exceptionnelles.

En matière de crédit d’heures, la loi Rebsamen a innové en mettant en place un système de cumul, dans la limite de 12 mois et à condition, pour chaque représentant, de ne pas disposer, dans le mois, de plus d’une fois et demi le crédit d’heures dont il bénéficie (c. trav. art. L. 2326-6, 1°). À titre d’exemple, dans une entreprise de 50 à 74 salariés, le cumul permet à un membre de la DUP d’utiliser jusqu’à 27 heures un mois donné (18 + [18/2]).

Sur ce point, le décret précise que le représentant titulaire qui entend recourir à ce mécanisme de cumul doit en informer l’employeur au plus tard 8 jours avant la date prévue pour leur utilisation (c. trav. art. R. 2326-3 nouveau).

Autre innovation de la loi Rebsamen : la possibilité pour les titulaires et les suppléants de répartir entre eux les heures de délégation, dans la limite, là encore, d’une fois et demie le crédit d’heures habituellement accordé dans le mois (c. trav. art. L. 2326-6, 2°).

Dans cette hypothèse, les membres de la DUP concernés informent l’employeur du nombre d’heures réparties au titre de chaque mois au plus tard 8 jours avant la date prévue pour leur utilisation. Cette information prend la forme d’un document écrit précisant leur identité ainsi que le nombre d’heures mutualisées pour chacun d’entre eux (c. trav. art. R. 2326-3 nouveau).

Enfin, la DUP rénovée se caractérise également par le souci de mutualiser les travaux d’expertise. Ainsi, lorsqu’une expertise porte à la fois sur des sujets relevant des attributions du CE et sur des sujets relevant des attributions du CHSCT, la DUP a recours à une expertise commune (c. trav. art. L. 2326-5, 5°).

Le décret précise que la prise en charge des honoraires des experts et la contestation éventuelle de l’expertise s’effectuent selon les règles propres à l’expertise du CE et à celle du CHSCT (c. trav. art. L. 2325-38, L. 2325-40, L. 2325-41 et L. 4614-13 ; c. trav. art. R. 2326-5 nouveau).

Il rappelle par ailleurs les règles habituelles en matière d’expertise : l’employeur doit fournir aux experts les informations nécessaires à leur mission et leur ouvrir l’accès à l’établissement ; les experts sont tenus aux obligations de secret et de discrétion.

Enfin, les experts doivent remettre leur rapport commun au plus 15 jours avant l’expiration du délai dans lequel la DUP est réputée avoir été consultée.

Décret 2016-345 du 23 mars 2016, JO du 24


 

 

On peut porter au crédit du barème de l'avant-projet de loi El Khomri, désormais abandonné, le fait d'avoir voulu cibler assez précisément le cas typique traité par les CPH, c'est-à-dire une demande formée par un salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail (80 % des demandes), et de plus en plus engagée par un salarié âgé et donc susceptible d'avoir une ancienneté importante. En effet, les salariés âgés sont ceux dont le taux de recours au CPH a le plus augmenté ces dernières années. Les plus de 50 ans représentaient 34 % des demandeurs en 2013, contre 21% en 2004.

 

 

 

 

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