Sommaire
1/Licencier pour absences prolongées ou répétées
2/Critiquer un projet d’accord d’entreprise n’est pas fautif
1/Licencier pour absences prolongées ou répétées
L’absence pour maladie suspend simplement le contrat de travail et ne peut pas justifier un licenciement. Toutefois, si la maladie se prolonge ou si les absences se répètent, l’employeur peut recourir au licenciement si deux conditions cumulatives sont remplies : la désorganisation de l’entreprise et le remplacement définitif du salarié.
Absence conduisant à un motif de licenciement
Conditions pour licencier. - Il est interdit de licencier un salarié en raison de son état de santé (c. trav. art. L. 1132-1 et L. 1132-4). Le licenciement devient envisageable uniquement lorsque les absences répétées ou prolongées du salarié malade entraînent des perturbations pour l’entreprise et rendent nécessaire son remplacement définitif (cass. ass. plén. 22 avril 2011, n° 09-43334, BC ass. plén. n° 3).
À noter : Quand l’intéressé est inapte, c’est la procédure applicable en cas d’inaptitude qui doit être respectée (cass. soc. 5 décembre 2012, n° 11-17913, BC V n° 320).
Vérifier les textes conventionnels. - Une convention ou un accord collectif peut prévoir que, pendant une certaine période, l’employeur ne peut pas licencier un salarié malade pour un motif lié à son état mais que, passé ce délai, s’il est dans la nécessité de le remplacer définitivement, il peut rompre le contrat de travail. Le licenciement prononcé malgré cette interdiction est sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 29 juin 2011, n° 10-11052, BC V n° 171).
Licenciements interdits. - Même si les conditions exigées (voir ci-avant) sont réunies, le licenciement est exclu lorsque l’arrêt de travail résulte :
- d’un harcèlement moral (cass. soc. 11 octobre 2006, n° 04-48314, BC V n° 301) ;
- ou d’un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat, tel un épuisement professionnel résultant d’une surcharge de travail (cass. soc. 13 mars 2013, n° 11-22082, BC V n° 71).
Fonctionnement de l’entreprise perturbé
Prouver la désorganisation. - La désorganisation de l’entreprise, première condition, s’apprécie au cas par cas. En pratique, les perturbations subies par l’entreprise sont appréciées compte tenu de sa taille. Une entreprise avec un faible effectif (ex. : 6 salariés) peut invoquer plus facilement une perturbation liée à des absences qu’une structure dont l’effectif élevé permet des mobilités internes (cass. soc. 23 septembre 2003, n° 01-44159 D). L’employeur doit établir que les absences prolongées ou répétées entraînent des perturbations dans le fonctionnement normal de l’entreprise (cass. soc. 23 mars 2005 n° 03-43284 D) et démontrer les troubles occasionnés par la ou les absences (cass. soc. 21 mai 2008, n° 07-41511 D).
C’est d’ailleurs toute l’entreprise qui doit être perturbée et pas seulement :
- le service où le salarié malade travaille (cass. soc. 2 décembre 2009, n° 08-43486 D), sauf si ce service est essentiel à l’entreprise (cass. soc. 16 septembre 2009, n° 08-41841 D) ;
- un seul établissement de l’entreprise (ex. : un magasin) auquel le salarié malade est rattaché (cass. soc. 19 mai 2016, n° 15-10010 D) ;
- ou encore le seul secteur de prospection du salarié (cass. soc. 13 mai 2015, n° 13-21026 D).
Prendre en compte les fonctions du salarié. - Pour apprécier les troubles causés par l’absence du salarié, on prend en compte sa qualification et son poste. S’il s’agit d’un salarié faiblement qualifié, la perturbation de l’entreprise est difficilement reconnue. Les juges estiment alors la plupart du temps que l’employeur n’a pas de difficultés à recourir à un CDD de remplacement à terme imprécis ou bien à un intérimaire pour le remplacer (cass. soc. 23 janvier 2013, n° 11-13904 D).
À titre d’exemple, le trouble du fonctionnement de l’entreprise n’a pas été reconnu pour une secrétaire dont la durée de l’absence n’était pas exorbitante au regard de la taille de l’entreprise et du manque de spécificité des fonctions de l’intéressée (cass. soc. 7 février 1991, n° 89-40389 D). À l’inverse, il est plus difficile de pourvoir au remplacement temporaire d’un salarié dont la technicité et la diversité des fonctions, nécessite une formation spécifique rendant impossible le recours au travail temporaire (cass. soc. 9 octobre 2013, n° 12-15975 D).
Apprécier la durée de l’absence. - Le critère de la durée de l’absence est fréquemment combiné avec celui de l’effectif. En effet, les juges ont tendance à considérer qu’une petite entreprise éprouve plus de difficulté qu’une grande à gérer les absences et doit donc plus rapidement trouver une solution (cass. soc. 24 avril 1990, n° 87-44817 D).
À l’inverse, une entreprise de grande taille est a priori plus à même de répartir temporairement la charge du travail entre les autres salariés, de sorte que l’absence doit durer un certain temps avant de pouvoir justifier un licenciement (cass. soc. 23 mars 1988, n° 85-45880 D).
Assurer un remplacement définitif
Remplacement effectif. - Deuxième condition exigée, les perturbations occasionnées par les absences prolongées ou répétées du salarié malade peuvent justifier son licenciement si elles rendent son remplacement définitif nécessaire, ce qui implique :
- d’une part, que toutes les solutions temporaires de remplacement, en interne et/ou en externe (CDD ou intérimaire), soient épuisées (cass. soc. 30 avril 2014, n° 13-11533 D) ;
- d’autre part, que le salarié malade soit remplacé par un salarié embauché en contrat à durée indéterminée (CDI) (cass. soc. 5 juin 2001, n° 99-42574 D) avec un volume horaire au moins équivalent à celui du salarié remplacé (cass. soc. 26 janvier 2011, n° 98-45178 D).
Le remplacement en cascade est admis (l’employeur mute un salarié au poste laissé vacant, et recrute une personne en CDI pour pourvoir le poste du salarié muté) (cass. soc. 15 janvier 2014, n° 12-21179, BC V n° 17).
À noter : Le licenciement prononcé malgré l’absence de remplacement définitif est sans cause réelle et sérieuse mais ne caractérise pas une discrimination en raison de l’état de santé. Faute de nullité, l’employeur n’a pas à réintégrer le salarié (cass. soc. 27 janvier 2016, n° 14-10084 FPB).
Remplacement rapide. - Le remplacement définitif n’a pas à être immédiat, mais il doit intervenir dans un délai raisonnable après le licenciement du salarié malade (cass. soc. 10 novembre 2004, n° 02-45156, BC V n° 283).Ce délai s’apprécie en fonction de la date de notification du licenciement et non de la fin du préavis (cass. soc. 28 octobre 2009, n° 08-44241, BC V n° 234). Par exemple, un délai de 2 mois est acceptable (cass. soc. 12 octobre 2011, n° 10-15697 D), pas un délai de 7 mois (cass. soc. 12 octobre 2011, n° 10-15101 D).
Le remplacement peut également intervenir avant le licenciement du salarié malade (cass. soc. 16 septembre 2009, n° 08-41879, BC V n° 186).
Motiver la lettre de licenciement
-L’employeur doit mentionner dans la lettre de licenciement (cass. soc. 19 mai 2016, n° 15-10010 D) :
- la perturbation du fonctionnement de l’entreprise ;
- et la nécessité du remplacement définitif du salarié absent.
Faute de quoi, le licenciement n’a pas de cause réelle et sérieuse. Le projet de loi « Travail » prévoit d’abandonner le mécanisme d’approbation des accords conclus avec des élus
2/Critiquer un projet d’accord d’entreprise n’est pas fautif
La cour de cassation a estimé dans un arrêt en date du19 mai 2016 que ne commet pas de faute lecritiqué un projet d’accord d’entreprise pour défendre les intérêts et droits des salariés susceptibles d’êtreremis en cause.En l’espèce, le salarié avait adressé à de nombreux collègues et représentants des salariés un courriel critiquant vivement le projet d’accord de la direction envue d’harmoniser les différents statuts dans l’entreprise.Les juges apprécient la gravité des propos ainsi que lecontexte dans lequel ils ont été tenus de même que lespersonnes destinataires et le biais dCompte tenu des éléments de cadre dans cet exercice dela liberté d’expression, il n’y a pas d’abus de droit. Par conséquent le licenciement est annulé. Cass. Soc. 19 mai 2016 n°15
Jurisprudence
Inaptitude et refus de proposition de reclassement
Le caractère, légitime ou non, du refus du salarié, des propositions de reclassement faites par l’employeur suite à un avis d’inaptitude n’impacte pas l’examen de l’impossibilité de reclassement seul fondement d’un licenciement pour inaptitude.
Cass. Soc. 17 mai 2016 n°14