Novembre 2016
Sommaire :
1/ Retard au travail
2/ Réalité sur la durée du travail en France
3/ Licenciement d’une salariée enceinte.
1/ Retard au travail
Le code du travail est clair: le salarié risque le licenciement pour faute grave si ce retard influe sur le bon fonctionnement de l'entreprise.
Problème de transports en commun, panne de voiture ou d'oreiller... Les causes de retard au travail sont multiples. Dans quelles conditions un salarié qui n'est pas ponctuel peut-il être sanctionné? Voici ce que dit le code du travail.
Le salarié est-il constamment en retard ou ce manque de ponctualité est-il brutal et récent? C'est la première question que le manager doit se poser. Certains retards exceptionnels sont compréhensibles et doivent être tolérés par l'employeur. Lorsqu'il s'agit de faits imprévus et inhabituels, une marge de tolérance est requise. A l'inverse, des retards trop fréquents - sans justification solide (problèmes personnels...) - désorganisent le bon fonctionnement de l'entreprise et des sanctions à l'encontre du salarié peuvent être appliquées par l'employeur.
Quelles sont les obligations de l'entreprise?
La jurisprudence précise qu'un employeur ne peut reprocher à un salarié son retard si celui-ci n'a pas été informé explicitement de ses horaires de travail.
L'employeur doit communiquer à l'ensemble des salariés les horaires par voie d'affichage dans les locaux de l'entreprise ou sur le contrat de travail (notamment pour les salariés à temps partiel). Il doit également conserver les accusés de réception des avertissements envoyés au salarié pour pouvoir justifier un futur licenciement.
Les retards peuvent également être compensés en effectuant une retenue sur salaire. Dans ce cas, l'employeur est autorisé à ne pas payer le salarié les temps correspondant aux retards à son poste de travail.
De la mise en garde à la sanction
L'entreprise ne peut sanctionner le salarié après un seul retard et prononcer brusquement un licenciement. La mise en garde est une étape obligatoire.
Dans un premier temps, le manager peut rappeler les horaires de travail et expliquer que les répercutions sont néfastes pour l'entreprise (surcharge de travail des collègues, désorganisation du service...). Le nombre de retards admissibles dépend de l'importance du poste occupé par l'employé et de la gêne occasionnée par son absence...
La mise en garde orale et le rappel des obligations sont parfois suffisants pour remettre le salarié dans le droit chemin. Mais pas toujours. S'il ne modifie pas son comportement, la procédure de sanction doit aller crescendo tout d'abord par un avertissement (sanction mineure orale ou écrite), puis un blâme (observation écrite inscrite au dossier du salarié). Si les sanctions n'ont pas d'effet, l'employeur peut prononcer une mise à pied, c'est-à-dire une interdiction au salarié de se rendre sur son lieu de travail. Dans tous les cas, la sanction doit être signifiée par lettre recommandée avec accusé de réception.
Licenciement pour faute grave
Si le salarié n'améliore pas son comportement, un licenciement faute grave peut être prononcé. L'employeur s'appuie alors sur les sanctions signifiées par courrier (avertissement, blâme, mise à pied). La cour de cassation a jugé recevable le licenciement pour faute grave pour un salarié dont les nombreux retards injustifiés ont désorganisé le fonctionnement de l'entreprise. (Arrêt n°84-40716 du 19 mars 1987).
Mais attention! Ces règles ne peuvent être appliquées que si l'employeur soumet ses salariés à des horaires précis et communiqués.
Quelle règle s'applique en cas de grève des transports ?
Le Code du travail n'a pas prévu de disposition prévue en cas de retard pour grève. Mais selon la jurisprudence, le retard occasionné par une grève ne peut pas être considéré comme une faute, et un licenciement pour ce motif sera retoqué si le salarié va aux prud'hommes.
Par contre, les grèves dans les transports sont signalées au moins 48 heures avant le début des perturbations et sont donc prévisibles. On considère généralement que c'est au salarié de prendre ses dispositions pour arriver à l'heure sinon l'absence ou le retard auront des conséquences sur son temps de travail ou sa rémunération.
Le salarié qui ne peut se rendre sur son lieu de travail pour cause de grève des transports perd sa journée de travail. Même si l'absence n'est pas de son fait, il ne sera pas rémunéré. L'employeur ne sera pas tenu de lui verser son salaire puisque la contrepartie du travail n'aura pas été effectuée. Un accord entre le salarié et l'employeur peut alors être trouvé.
Il peut être amené à anticiper la grève et poser un jour de congé ou de RTT, mais l'employeur ne peut pas lui imposer si le salarié préfère venir. Le salarié peut également se mettre d'accord avec le chef d'entreprise pour rattraper ses heures non travaillées (le matin, le soir ou le samedi). Autre solution : travailler de chez soi le jour de grève... si le télétravail a été validé par son employeur.
2/ Réalité sur la durée du travail en France:
En France, on ne travaille pas moins qu’ailleurs, mais plus !
D’après Jean Gadrey, Professeur honoraire d'économie à l'Université Lille 1.
Il a publié au cours des dernières années : Socio-économie des services et (avec Florence Jany-Catrice) Les nouveaux indicateurs de richesse (La Découverte, coll. Repères).
S'y ajoutent En finir avec les inégalités (Mango, 2006) et, en 2010, Adieu à la croissance (Les petits matins/Alternatives économiques), réédité en 2012 avec une postface originale.
Il collabore régulièrement à Alternatives économiques.
En prenant référence sur la base des comptes nationaux (Insee). Entre le milieu des années 1960 et 2002, la durée annuelle moyenne de travail des salariés est passée de 1900 heures à 1400 environ, pour ensuite stagner pendant 13 ans. Sans cette réduction historique, nous aurions peut-être 5 à 6 millions de chômeurs en plus ! Mais si le mouvement s’était poursuivi après 2002, même à un rythme plus faible, nous en aurions peut-être un million de moins...
Le graphique, sur la période 1983-2014, repose sur les plus récentes données de l’OCDE http://tinyurl.com/qalvcly sur la « durée moyenne hebdomadaire habituelle de travail dans l’emploi principal », tous types d’emplois (temps plein et temps partiel, salariés et indépendants). Le pays des 35 heures (courbe en bleu foncé) est l’un de ceux où l’on travaille le plus par semaine : deux heures de plus que l’Allemagne selon ces données ! C’est aussi le seul pays de la liste où l’on travaille plus en 2014 qu’en 2001 ou 2002. Partout ailleurs, la durée annuelle moyenne du travail a continué à diminuer, souvent nettement, depuis le début des années 2000.
DUREE DU TRAVAIL ET CHOMAGE
Allons un peu plus loin dans la recherche d’indices des bienfaits de la RTT. Prenons ces huit pays, parmi lesquels on trouve tous les plus gros de l’Union européenne (avant le Brexit), et classons-les par ordre croissant de durée du travail hebdomadaire moyenne, puis voyons ceux qui ont les taux de chômage les plus faibles et les plus élevés. Le résultat est assez clair : les pays à faible durée du travail ont les plus faibles taux de chômage. Le partage du travail y est certes imparfait, mais il réduit nettement le chômage. D’autres facteurs interviennent ? Bien entendu, mais on peut au moins admettre que ce nouvel indice ne fait pas de mal à la thèse des effets bénéfiques de la RTT sur l’emploi.
EN FRANCE, LES PERSONNES « ACTIVES », CHOMEURS COMPRIS, TRAVAILLENT EN MOYENNE 30 HEURES PAR SEMAINE
On dispose de séries sur la durée moyenne annuelle du travail pour l’ensemble des personnes « en emploi », qu’on nomme aussi « population active occupée ». Mais la définition de la population active inclut aussi les chômeurs. Or on ne trouve pas de séries pour une variable certes abstraite mais qui a du sens, obtenue en divisant le volume total d’heures de travail annuelles dans l’économie par la population active. Le sens est le suivant : c’est tout simplement ce que serait la durée annuelle du travail si tous les « actifs » avaient un emploi et si tous avaient la même durée annuelle effective (« réelle ») du travail.
Une telle série peut être reconstituée, bien qu’avec de petites incertitudes (on a plusieurs sources sur la durée) et conventions (en particulier sur la mesure du chômage) qui affectent peu les ordres de grandeur et les tendances depuis 65 ans. J’ai retenu à partir de 1970 la définition (restrictive) du BIT du chômage (et donc de la population active), qui sous-estime un peu la tendance à la baisse qui m’intéresse. Voici le graphique obtenu pour la durée annuelle moyenne tous emplois et tous “actifs” confondus :
Sources : durée moyenne annuelle pour les personnes en emploi : données du Groningen Growth Center développement. Série des taux de chômage au sens du BIT et avant : Insee.
Pour une estimation de la durée hebdomadaire effective moyenne, j’ai retenu une convention qui tient compte de l’évolution du nombre de semaines de congés payés : 3 jusqu’en 1968, 4 jusqu’en 1982 et 5 ensuite. Pour tenir compte grossièrement des autres jours de « non travail effectif », j’ai divisé la durée annuelle par 48 semaines « d’équivalent semaine complète de travail effectif » en 1950, 47 semaines en 1960, 46 semaines en 1970 et 1980, et 45 ensuite. Voici le résultat sous forme de graphique :
Graphique 4
Pour ma part, j’interprète ces résultats ainsi : dans un contexte où la croissance ne reviendra pas vraiment, ou très peu, les politiques devraient tendre à réduire l’écart entre la durée légale et la durée moyenne réelle POUR L’ENSEMBLE DE LA POPULATION ACTIVE. C’est ce qu’on appelle le partage du travail, sous réserve qu’il vise la convergence des temps et non ce « partage » à l’envers qui voit les uns travailler beaucoup pendant que d’autres sont à temps partiel contraint ou au chômage.
L’ALLEMAGNE AUSSI
Selon les données de l’OCDE la durée hebdomadaire moyenne de travail des Allemands était en 2014 inférieure de 5,4 % à celle des Français, et le taux de chômage y était inférieur de 5,3 points, salariés et non salariés, temps plein et temps partiel ensemble. Il en résulte que la durée hebdomadaire moyenne du travail par actif était Outre-Rhin à peu près la même qu’en France, probablement un peu inférieure à 30 heures.
Même si on effectue le calcul sur toute une durée de vie au travail (la « durée effective tout au long de la vie »), les Allemands ne travaillent pas plus que les Français, bien que leur âge effectif moyen de départ à la retraite soit plus élevé. On trouve cette comparaison dans une étude de l’OFCE de 2012, très claire sur les difficultés méthodologiques et sur l’éventail des sources, question que je n’ai pas évoquée : « Combien de temps les Français travaillent-ils ? », par Éric Heyer, Mathieu Plane et Xavier Timbeau. Elle est accessible en ligne.
3/ Licenciement d’une salariée enceinte.
- En principe, il est impossible de licencier une salariée enceinte ou qui vient d'être mère durant son congé de maternité et les 10 semaines suivant ce congé (c. trav. art. L. 1225-4).
Par exception, le licenciement d’une salariée enceinte ou en congé de maternité est admis en cas de faute grave ou d’impossibilité de maintenir le contrat. Mais cela s'entend restrictivement, le motif de rupture devant être totalement étranger à l’état de grossesse ou à l'accouchement (c. trav. art. L. 1225-4).
Mise en pratique de la protection de la salariée.
- La salariée qui souhaite être protégée du fait de sa grossesse doit informer l'employeur de son état en lui remettant (contre récépissé) ou en lui envoyant en LRAR un certificat médical attestant son état de grossesse et la date présumée de son accouchement (ou la date effective de celui-ci) (c. trav. art. R. 1225-1).
Par ailleurs, lorsque l’employeur ignore la grossesse au moment où il notifie son licenciement à la salariée, celle-ci a 15 jours pour lui adresser par LRAR un certificat médical justifiant qu’elle est enceinte et bénéficier de la protection contre le licenciement (c. trav. art. L. 1225-5 et R. 1225-2).
La protection de la salariée commence lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et couvre le congé de maternité ainsi que les 10 semaines qui suivent la fin de la période de suspension du contrat de travail (c. trav. art. L. 1225-4).
En tout état de cause, même lorsque le licenciement est envisageable (ex. : faute grave) l'employeur ne peut pas notifier le licenciement durant le congé de maternité et le licenciement ne pas prendre effet pendant ce congé. En revanche, l’employeur peut notifier le licenciement dès la reprise du travail, y compris pendant les 10 semaines qui suivent la fin du congé de maternité (c. trav. art. L. 1225-4).