Sommaire:

1/ critère d’ordre des licenciements

2/L’absence de toute visite médicale peut justifier une prise d’acte

3/ critère de transparence financière des syndicats

1/ critère d’ordre des licenciements

Le document unilatéral qui met en place un PSE ne peut pas être homologué par le DIRECCTE s’il neutralise un des critères légaux d’ordre des licenciements.

Mise en place d’un PSE par un document unilatéral et définition des critères d’ordre des licenciements.

– Un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) est impératif quand une entreprise de 50 salariés ou plus envisage le licenciement d’au moins 10 salariés sur une période de 30 jours (dans ce cas, on parle couramment de « grand licenciement ») (c. trav. art. L. 1233-61).

Le PSE peut prendre la forme d’un accord collectif, à faire valider par le DIRECCTE. Il peut également être mis en place par un document unilatéral que l’employeur doit présenter pour avis au comité d’entreprise et soumettre pour homologation au DIRECCTE. Dans un cas comme dans l’autre, le document ainsi élaboré fixe le contenu du PSE et précise, entre autres éléments, la pondération et le périmètre d’application des critères d’ordre des licenciements (c. trav. art. L. 1233-24-2 et L. 1233-24-4).

En principe, en l’absence de dispositions conventionnelles ayant fixé d’autres critères, l’employeur est tenu de prendre en compte l’ensemble des critères légaux d’ordre des licenciements, mais il peut en privilégier certains (c. trav. art. L. 1233-5). Pour mémoire, ces critères sont les suivants :

-les charges de famille, en particulier celles des parents isolés ;

-l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;

-la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ;

-les qualités professionnelles appréciées par catégorie.

Plan de sauvegarde de l’emploi litigieux. - Dans l’affaire qui nous intéresse ici, le document unilatéral élaboré par l’administrateur judiciaire prévoyait le licenciement de 35 salariés sur les 72 que comptait la société dans le cadre d’une cession d’entreprise.

Le choix des salariés licenciés devait résulter de l’application, au sein de chaque catégorie professionnelle concernée par le licenciement, de quatre critères ainsi pondérés :

-les charges de famille, avec deux points par enfant à charge et cinq points en qualité de parent isolé ;

-l’ancienneté dans l’entreprise, avec deux points par année pleine d’ancienneté à une date donnée ;

-les difficultés de réinsertion, avec cinq ou six points pour les salariés handicapés ou âgés et deux points pour les salariés en congé de maternité ou victimes d’un accident du travail ;

-la qualification professionnelle, avec une pondération uniforme d’un point par salarié.

Ce PSE a été homologué, mais plusieurs salariés ont demandé l’annulation de la décision du DIRECCTE. Ils ont obtenu gain de cause, car une pondération uniforme avait été retenue pour le critère de la qualification professionnelle. L’administrateur judiciaire a alors saisi le Conseil d’État mais, comme on va le voir, son recours a été rejeté.

Contrôle du DIRECCTE sur les critères d’ordre des licenciements. – Dans un premier temps, le Conseil d’État rappelle les textes définissant le rôle du DIRECCTE lorsqu’il homologue un document unilatéral (c. trav. art. L. 1233-57-3).

Ainsi, lorsque les critères d’ordre des licenciements fixés dans un PSE figurent dans un document unilatéral, il appartient au DIRECCTE, saisi d’une demande d’homologation de ce document, de vérifier la conformité de ces critères et de leurs règles de pondération aux dispositions législatives et conventionnelles applicables.

Obligation de prendre en compte l’ensemble des critères légaux d’ordre des licenciements. – Dans un second temps, le Conseil d’État s’intéresse à la question de fond : était-il possible de pondérer uniformément un des critères légaux, ici celui de la qualification professionnelle ?

La réponse est non. Pour le Conseil d’État, en l’absence d’accord collectif ayant fixé les critères d’ordre des licenciements, le document unilatéral fixant le PSE ne saurait légalement, ni omettre l’un de ces critères, ni affecter l’un d’entre eux de la même valeur pour tous les salariés. En effet, décider qu’un critère vaut « 1 » pour chaque salarié revient à le neutraliser.

Le DIRECCTE ne devait donc pas homologuer un tel document. Le Conseil d’État s’aligne ici sur la position de la Cour de cassation, qui a régulièrement rappelé que l’employeur pouvait privilégier certains critères, mais qu’il devait tous les prendre en considération (cass. soc. 8 avril 1992, n° 89-40739, BC V n° 259 ; cass. soc. 2 mars 2004, n° 01-44084, BC V n° 68).

Exception admise par le Conseil d’État. – Le Conseil d’État prévoit toutefois une exception au principe qu’il énonce. Ainsi, l’administration aurait pu homologuer le document unilatéral présenté s’il avait été établi, de manière certaine, qu’aucune des modulations légalement envisageables pour le critère en question ne pouvait être matériellement mise en œuvre lors de la détermination de l’ordre des licenciements. Le cas échéant, cette impossibilité doit être établie dès l’élaboration du PSE. De plus, elle doit être appréciée compte tenu de la situation particulière de l’entreprise et de l’ensemble des personnes susceptibles d’être licenciées.

Or, cette impossibilité n’était pas avérée dans l’affaire qui nous intéresse. En effet, le fait que l’administrateur judiciaire ne disposait, au moment de l’élaboration du PSE, ni de fiches de postes ni d’évaluations antérieures des salariés, ne l’empêchait pas, selon les juges, de fixer, pour le critère des qualifications professionnelles, un ou plusieurs éléments de pondération susceptibles d’être ultérieurement mis en œuvre.

CE 1er février 2017, n° 387886

2/ L’absence de toute visite médicale peut justifier une prise d’acte

L’absence d’organisation de toutes les visites médicales dues au salarié (embauche, périodique, reprise) justifie la prise d’acte de la rupture de son contrat par le salarié aux torts de son employeur.

L’affaire. - Une salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de son employeur en lui reprochant l’absence d’organisation :

-de sa visite médicale d’embauche ;

-des visites médicales périodiques pendant les 18 premiers mois de son contrat de travail ;

-des visites de reprise après un arrêt de travail pour accident du travail et une suspension du contrat de travail y ouvrant droit.

Validité d’une prise d’acte. - Pour les juges, il faut que les manquements reprochés à l’employeur soient suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite de la relation contractuelle pour que la prise d’acte soit justifiée (cass. soc. 30 mars 2010, n° 08-44236, BC V n° 80).

Était-ce le cas en l’espèce ? Oui pour la cour d’appel et la Cour de cassation, dans la droite ligne de sa jurisprudence (cass. soc. 6 octobre 2010, n° 09-66140, BC V n° 222 ; cass. soc. 22 septembre 2011, n° 10-13568 D).

On notera cependant qu’une absence de visite causée par une négligence isolée ne constitue un motif suffisant pour prendre acte de la rupture du contrat (cass. soc. 18 février 2015, n° 13-21804 D).

Prise d’acte de son contrat par un représentant du personnel. - En l’espèce, la salariée étant déléguée du personnel, la prise d’acte produisait les effets d’un licenciement nul. Elle pouvait donc notamment percevoir une indemnité pour violation du statut protecteur égale à la rémunération qu’elle aurait perçue depuis son éviction jusqu’à l’expiration de la période de protection, dans la limite de 2,5 ans.

cass. soc. 8 février 2017 n° 15-14874 D

3/ Pour exercer ses prérogatives, tout syndicat, représentatif ou non, doit remplir le critère de transparence financière

La désignation d’un représentant de la section syndicale (RSS) est réservée aux syndicats non représentatifs ayant constitué une section syndicale dans l’entreprise ou l’établissement (c. trav. art. L. 2142-1-1).

Pour mémoire, les critères que doit remplir un syndicats non représentatif pour constituer une section syndicale et ainsi désigner un RSS sont les suivants : avoir au moins deux adhérents dans l’entreprise ou l’établissement, satisfaire aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, être légalement constitué depuis au moins 2 ans et avoir un champ professionnel et géographique qui couvre l’entreprise concernée (c. trav. art. L. 2142-1).

Le syndicat doit également satisfaire au critère de transparence financière pour pouvoir exercer l’une de ses prérogatives dans l’entreprise, et en particulier, désigner un RSS.

C’est ce que vient de décider pour la première fois à notre connaissance la Cour de cassation, étendant ainsi aux syndicats non représentatifs un critère qui est censé ne concerner que les syndicats représentatifs (c. trav. art. L. 2121-1).

La condition de transparence financière pèse donc désormais sur tout syndicat, représentatif ou non. Elle peut se déduire, à notre avis, des obligations comptables auxquelles doivent répondre tous les syndicats, notamment l’établissement des comptes annuels (c. trav. art. L. 2135-1, D. 2135-1 à D. 2135-4).

Ajoutons que, à notre sens, cette condition de transparence financière s’applique également à l’union de syndicats qui désignerait elle-même un RSS (cass. soc. 8 juillet 2009, n° 09-60012, BC V n° 182).

Cass. soc. 22 février 2017, n° 16-60123 FSPB