Sommaire
1/ Référendum d’entreprise.
2/ Avertissement ou mutation disciplinaire, il faut choisir
3/ La nuit qui sépare deux jours de séminaire ressort de la vie privée des salariés
1/Le protocole organisant le référendum de « rattrapage » d’un accord minoritaire se négocie avec tous les syndicats représentatifs
Loi Travail : conclusion du protocole avec les syndicats signataires. - Le régime majoritaire créé par la loi Travail du 8 août 2016 prévoit qu’un accord collectif doit être signé par des syndicats représentatifs totalisant au moins 50 % des suffrages exprimés en faveur des syndicats représentatifs au premier tour des dernières élections professionnelles.
Toutefois, si cette condition n’est pas remplie mais que les syndicats signataires représentent au moins 30 % des suffrages, ils peuvent demander à l’employeur de soumettre l’accord directement aux salariés. Si ceux-ci l’approuvent à la majorité des suffrages exprimés, l’accord est validé (c. trav. art. L. 2232-12 ; loi 2016-1088 du 8 août 2016, JO du 9).
Un aspect de ce dispositif vient cependant d’être déclaré inconstitutionnel, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). La question portait plus particulièrement sur les modalités de conclusion du protocole organisant le référendum.
Différence de traitement injustifiée. - Selon le quatrième alinéa de l’article L. 2232-12, dans sa version soumise au Conseil constitutionnel, « La consultation des salariés, qui peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et les organisations signataires. » Cette rédaction exclut donc de la négociation du protocole les syndicats représentatifs non signataires de l’accord. Or, pour le Conseil constitutionnel, cette différence de traitement ne reposait ni sur une différence de situation ni sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi.
Le quatrième alinéa de l’article L. 2232-12 a donc été déclaré contraire à la Constitution et abrogé à compter du 22 octobre 2017, date de publication de la décision au Journal officiel. Cette déclaration d’inconstitutionnalité s’applique à toutes les instances en cours à cette date.
Ordonnance Macron : conclusion avec des syndicats représentatifs ayant recueilli plus de 30 % des suffrages - En pratique, cette décision n’a pas de conséquence majeure, car l’ordonnance Macron relative au renforcement de la négociation collective avait manifestement anticipé la déclaration d’inconstitutionnalité en modifiant les règles d’adoption du protocole.
En effet, depuis le 24 septembre 2017, ce protocole est conclu entre l’employeur et « une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur
d’organisations représentatives au premier tour des élections » (c. trav. art. L. 2232-12 modifié ; ord. 2017-1386 du 22 septembre 2017, JO du 23). Les règles actuelles sont donc conformes à la Constitution.
Signalons que cette même ordonnance a aussi modifié ces dispositions pour :
-d’une part, offrir à l’employeur la possibilité de prendre l’initiative d’organiser le référendum si les syndicats signataires ne s’y opposent pas ;
-d’autre part, avancer du 1er septembre 2019 au 1er mai 2018 la date à laquelle l’adoption majoritaire deviendra la règle pour tous les accords collectifs, quel que soit leur thème (étant rappelé que la règle majoritaire est aujourd’hui réservée, pour l’essentiel, aux accords sur la durée du travail, les repos ou les congés, les nouveaux accords « de compétitivité » et les nouveaux accords de rupture conventionnelle collective). C. constit., décision 2017-664 QPC du 20 octobre 2017, JO du 22
2/ Avertissement ou mutation disciplinaire, il faut choisir
Un employeur peut sanctionner un salarié qui a commis une faute par un avertissement, mais il ne peut pas, le même jour le muter afin « qu’il fasse ses preuves dans un nouvel environnement ». Cela revient à appliquer deux sanctions pour une même faute. Il est a fortiori impossible de sanctionner le refus de cette mutation par un licenciement pour faute grave.
L’affaire. - Un salarié avait l’objet d’un avertissement le 25 octobre 2011 pour insuffisance commerciale et managériale. L’employeur l’a informé le même jour de son affectation sur un nouveau point de vente afin de lui donner la possibilité d’apporter la preuve contraire de la réalité des griefs énoncés (avec maintien de la qualification, de l’intitulé de poste, du niveau de responsabilité et du niveau de rémunération).
Le salarié ayant refusé de rejoindre cette nouvelle affectation, il a été licencié pour faute grave le 29 novembre 2011.
Sanctionner l’insuffisance professionnelle ? - L’insuffisance professionnelle ne relève pas du droit disciplinaire. Elle ne peut pas faire l’objet d’une sanction disciplinaire, sauf dans le cas où la mauvaise volonté délibérée du salarié peut être démontrée.
En l’espèce, les juges ont relevé que c’est après avoir convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement auquel il ne s’était pas présenté, que la société lui avait signifié des griefs (« dégradation de la performance, absence de leadership et de stratégie, autoritarisme »), et l’avait sanctionné pour insuffisance commerciale et managériale par un avertissement. Ils ont également souligné que la décision de mutation constituait une alternative à un licenciement, dont l’intéressé restait d’ailleurs menacé s’il n’améliorait pas ses résultats dans le nouveau point de vente où il était affecté.
Pour les juges, la mutation avait donc le caractère d’une sanction disciplinaire.
Une sanction, ni deux ni trois. - Le comportement fautif d’un salarié peut certes être sanctionné, mais le principe « une faute, une sanction » interdit de sanctionner deux fois la même faute.
La mutation disciplinaire ayant été notifiée concomitamment à l’avertissement, elle était donc nulle et le licenciement du salarié ne pouvait être justifié par le refus du salarié de l’accepter.
Cass. soc. 19 octobre 2017, n° 16-11343 D
3/ La nuit qui sépare deux jours de séminaire ressort de la vie privée des salariés
À l’occasion d’un séminaire de 2 jours organisé dans une station balnéaire, un chef de vente et plusieurs membres de son équipe avaient prolongé la première journée de travail par une soirée au restaurant, puis par une sortie en boîte de nuit. L’équipe s’était finalement retrouvée sur la plage à 3 heures du matin. C’est alors qu’un salarié avait blessé une de ses collègues au cou en tentant de la jeter à l’eau toute habillée. Conduite à l’hôpital, la victime s’était vue prescrire un arrêt de travail d’un mois.
À la suite de cet accident, l’employeur avait licencié le chef des ventes en lui reprochant des manquements dans son management.
Le salarié soutenait néanmoins que son licenciement était sans cause réelle et sérieuse, car, selon lui, les événements survenus au cours de la nuit relevaient de sa vie personnelle. Le conseil de prud’hommes puis la cour d’appel lui ont donné raison, à juste titre selon la Cour de cassation.
Rappelons que l’employeur ne peut pas licencier un salarié en raison de faits relevant de sa vie personnelle sauf si ces faits (cass. soc. 2 décembre 2003, n° 01-43227, BC V n° 304 ; cass. soc. 30 novembre 2005, n° 04-13877, BC V n° 343 ; cass. soc. 27 mars 2012, n° 10-19915, BC V n° 106) :
-constituent un trouble objectif caractérisé au sein de l’entreprise (auquel cas, le licenciement est envisageable, à condition de ne pas revêtir de caractère fautif) ;
-constituent un manquement du salarié à une obligation découlant de son contrat de travail ou se rattachent à sa vie professionnelle (auquel cas, l’employeur peut prononcer un licenciement disciplinaire).
Pour l’employeur, les festivités organisées entre les deux jours de séminaire se rattachaient nécessairement à la vie professionnelle du chef de vente.
Cependant, la Cour de cassation approuve la cour d’appel selon laquelle, le salarié, bien que participant à un séminaire professionnel, se trouvait lors des événements survenus au cours de la nuit séparant deux journées de travail dans un temps ressortant de sa vie privée. Par ailleurs, la qualité du travail réalisée le lendemain n’avait pas été affectée par l’absence ou la fatigue des salariés, de sorte qu’il n’y avait pas de lien avec la vie professionnelle.
Cette dernière réserve montre cependant que tout n’est pas permis pendant les séminaires ou autres événements d’entreprise et que, plus généralement, si les festivités organisées par les salariés en périphérie de l’événement les rendent totalement incapables de participer aux séances de travail, l’employeur est susceptible de retrouver son pouvoir de sanction.
Cass. soc. 18 octobre 2017, n° 16-15030 D