Sommaire
1/Conditions de validité du protocole d'accord
2/Droit d’alerte du délégué du personnel Article L2313-2
1/Conditions de validité du protocole d'accord préélectoral
Le Code du travail prévoit que, pour être valide le protocole doit (1) :
- être signé par la majorité des organisations syndicales ayant participé à sa négociation. La cour de cassation a précisé que doivent être considérées comme ayant participé à la négociation, les organisations syndicales qui, invitées, s'y sont présentées, même si elles ont ensuite décidé de s'en retirer (2) ;
Le protocole doit donc être signé par la majorité des syndicats ayant participé à sa négociation à un moment donné, et non uniquement par la majorité de ceux encore présents au moment de la signature.
- parmi les organisations syndicales signataires doivent figurer les syndicats représentatifs ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles ou, lorsque les résultats ne sont pas disponibles, la majorité des organisations représentatives dans l'entreprise.
Lorsque cette double condition de majorité fait défaut, le protocole d'accord préélectoral n'est pas irrégulier pour autant. La partie qui y a intérêt (employeur ou syndicat signataire) peut alors saisir le juge d'instance pour qu'il fixe les modalités d'organisation et de déroulement du scrutin (3).
2/Droit d’alerte du délégué du personnel Article L2313-2
Si un délégué du personnel constate, notamment par l'intermédiaire d'un salarié, qu'il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l'entreprise qui ne serait pas justifiée
par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l'employeur. Cette atteinte peut notamment résulter de toute mesure discriminatoire en matière d'embauche, de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de classification, de qualification, de promotion professionnelle, de mutation, de renouvellement de contrat, de sanction ou de licenciement.
L'employeur procède sans délai à une enquête avec le délégué et prend les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.
En cas de carence de l'employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l'employeur, le salarié, ou le délégué si le salarié intéressé averti par écrit ne s'y oppose pas, saisit le bureau de jugement du conseil de prud'hommes qui statue selon la forme des référés.
Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d'une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.
L’employeur « doit » organiser une enquête en cas de dénonciation par un salarié
En pratique, il faut retenir que l’employeur auprès duquel des faits de harcèlement sont dénoncés ne doit pas rester inactif, sous peine de se voir reprocher un manquement à son obligation légale de sécurité. Il doit agir notamment en organisant une enquête interne et contradictoire, c’est-à-dire en entendant les arguments du salarié qui se prétend victime de harcèlement et de celui qui en est accusé.
À notre sens, il en va de même en cas de harcèlement sexuel.
La jurisprudence impose désormais à l’employeur de réaliser une enquête quand un salarié l’alerte sur un éventuel harcèlement (moral ou sexuel). Pour mémoire, le code du travail lui impose aussi d’enquêter quand le CSE qui exerce son droit d’alerte (c. trav. art. L. 2312-59).En leur temps, les partenaires sociaux et le ministère du Travail recommandaient aux employeurs de réaliser des enquêtes en cas de risque de harcèlement ou de violences au travail (accord national interprofessionnel du 26 mars 2010 sur le harcèlement et la violence au travail, étendu par arrêté du 23 juillet 2010,
JO du 31 ; Guide min. trav., « Harcèlement sexuel et agissements sexistes au travail : prévenir, agir, sanctionner »). Aujourd’hui, la Cour de cassation va plus loin.
Organiser une enquête afin de pouvoir sanctionner ou disculper le salarié accusé de harcèlement
Organiser une enquête ne permet pas seulement à l’employeur de respecter son obligation légale de sécurité. C’est aussi une façon de se constituer des preuves de la faute du salarié harceleur et de le sanctionner en respectant le délai de prescription des fautes.
En effet, quand un salarié est mis en cause devant un conseil de prud’hommes pour des faits de harcèlement moral à l’encontre d’un autre salarié, l’employeur doit déclencher une enquête pour avoir une connaissance exacte des faits reprochés au salarié. Il ne doit pas attendre l’issue du contentieux, sinon son « abstention fautive » peut lui être reprochée et le licenciement pour faute grave du salarié harceleur peut être jugé tardif au regard de la prescription des fautes, et donc être sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 29 juin 2011, n° 09-70902, BC V n° 172).
Par ailleurs, les juges admettent que l’employeur mette « en disponibilité provisoire » le salarié soupçonné de harcèlement le temps de l’enquête interne, puis le licencie si l’enquête confirme les faits (cass. soc. 8 mars 2017, n° 15-23503 D).
Enfin, l’enquête permet aussi, le cas échéant, d’établir qu’il n’y a pas harcèlement moral et de disculper le salarié accusé de ces agissements. À ce titre, si en principe l’employeur ne peut pas sanctionner une personne qui a relaté ou dénoncé des faits de harcèlement, il peut en revanche sanctionner cette personne s’il apparaît qu’elle était de mauvaise foi (cass. soc. 10 mars 2009, n° 07-44092, BC V n° 66).
Cass. soc. 27 novembre 2019, n° 18-10551 FPPB