Novembre 2021
Sommaire :
1/Muter un salarié pour éviter de lui faire bénéficier d’un PSE, ou un licenciement économique.
2/Quelle place pour les syndicats dans l'entreprise?
1/Muter un salarié pour éviter de lui faire bénéficier d’un PSE ou un licenciement économique.
Dans un arrêt rendu le 29 septembre 2021, la Cour de cassation apporte une illustration d’un détournement par l’employeur de son pouvoir de direction, à propos d’un changement du lieu d'affectation d’un salarié visant à éluder le versement des indemnités prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi en préparation.
Un salarié licencié après avoir refusé un changement de lieu de travail
Un salarié, engagé en 1974 en qualité de serveur et qui travaillait depuis 39 ans sur le même site, a refusé l’affectation sur un autre site que lui avait proposée son employeur par lettre du 28 mars 2014. Son licenciement pour faute grave lui a alors été notifié le 21 novembre 2014.
Contestant son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud'homale.
Sa nouvelle affectation étant contemporaine de l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) consécutif à la cessation de l’activité sur le site, il estimait en effet que cette mesure décidée par l’employeur visait en réalité à l’exclure du bénéfice du PSE.
La décision prise par l’employeur de modifier le lieu de travail du salarié pouvait-elle caractériser un détournement de son pouvoir de direction privant le licenciement de cause réelle et sérieuse ?
Droit de l’employeur d’imposer un changement de lieu de travail au salarié
Pour rappel, la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur de simple information, à moins qu’il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu.
En l’absence d’une telle clause, un changement de lieu de travail peut être imposé au salarié par l’employeur, dans le cadre de l’exercice de son pouvoir de direction, si le changement de localisation intervient dans le même secteur géographique. Il s’agit alors d’un simple changement des conditions de travail (cass. soc. 3 juin 2003, nos 01-43573 et 01-40376, BC V n° 185 ; cass. soc. 21 janvier 2004, n° 02-12712, BC V n° 26 ; cass. soc. 2 avril 2014, n° 13-11922 D). Le refus du salarié peut justifier son licenciement pour faute.
Sanction face à un détournement par l’employeur de son pouvoir de direction
L’employeur doit respecter l’exigence de bonne foi dans la mise en œuvre d’un changement des conditions de travail (c. trav. art. L. 1222-1). À défaut, le licenciement du salarié qui refuse ce changement peut être jugé sans cause réelle et sérieuse (cass. soc. 28 mars 2006, n° 04-41016, BC V n° 126 ; cass. soc. 12 juillet 2010, n° 08-45516 D).
Une nouvelle illustration de ce principe est ici donnée par les juges.
Les juges d’appel ont accueilli la demande du salarié et jugé que son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Pour eux, le changement d'affectation du salarié, qui travaillait depuis 39 ans sur le site dont les quarante postes étaient supprimés, visait à éluder le versement des indemnités prévues par le PSE en préparation et procédait ainsi d'un détournement par l'employeur de son pouvoir de direction.
Ils ont en effet retenu que, le PSE, en cours de négociations au moment de son affectation sur le nouveau site, prévoyant le licenciement des 40 salariés du site initial en raison de la non-reconduction du mandat de gestion à la suite
de la vente des locaux par le propriétaire, le salarié aurait dû « en toute logique faire l'objet d'un licenciement dans le cadre de ce plan » comme les autres salariés du site et que « l’intérêt de la société de faire le choix de la mutation était manifeste au regard de l’ancienneté du salarié et de son âge ».La Cour de cassation confirme cette décision, considérant que les juges du fond, dans le cadre de leur pouvoir souverain d’appréciation, ont fait ressortir que le changement d'affectation du salarié procédait d'un détournement par l'employeur de son pouvoir de direction.
Cass. soc. 29 septembre 2021, n° 20-14629, FD
2/Quelle place pour les syndicats dans l'entreprise?
Effectif de 11 à 49 salariés
Délégué syndical et élu au CSE.
- C'est à partir de 50 salariés qu'une entreprise peut être dotée d'un délégué syndical (DS) (voir ci-après), à moins qu'une convention ou un accord collectif n'abaisse ou ne supprime ce seuil (c. trav. art. L. 2141-10 et L. 2143-3).
L'entreprise de 11 à 49 salariés n'est pas pour autant privée de présence syndicale puisqu’un élu au comité social et économique (CSE) peut être désigné comme DS pour la durée de son mandat (entre 2 et 4 ans) (c. trav. art. L. 2314-33, L. 2314-34 et L. 2143-6). Il convient de se placer au niveau de l'entreprise pour apprécier l'effectif.
Désignation par un syndicat représentatif.
- L'élu au CSE est désigné par un syndicat représentatif dans l'entreprise.
Quel élu du CSE peut être DS ?
- Le syndicat doit désigner un élu titulaire du CSE comme DS, sauf disposition conventionnelle autre (cass. soc. 28 septembre 2008, n° 04-11286, BC V n° 276 ; cass. soc. 20 mars 2001, n° 99-60496, BC V n° 101). Cela étant, son suppléant au CSE peut être désigné pour le remplacer momentanément en
tant que DS le temps d'une absence (ex. : pendant un arrêt maladie) (cass. soc. 20 juin 2012, n° 11-61176, BC V n° 193).
De plus, le syndicat doit désigner un élu dont il avait porté la candidature à la dernière élection du CSE ou un élu dont la candidature était libre. Il ne peut pas désigner un élu présenté par un autre syndicat (cass. soc. 14 mars 2000, n° 99-60180, BC V n° 107).
Rôle et moyens d'action.
- Le DS d'une entreprise de moins de 50 salariés a le même rôle que celui d'une entreprise plus grande (voir ci-après). Toutefois, l'élu du CSE désigné comme DS n'a pas d'heures de délégation en plus, sauf convention ou accord collectif plus favorable (c. trav. art. L. 2143-6). Il utilise le crédit d'heures dont il bénéficie au titre de son mandat au CSE. En revanche, il peut se déplacer dans et hors de l'entreprise pendant ces heures, comme le DS d'une entreprise plus grande (c. trav. art. L. 2143-20). Ils sont tous les deux des salariés protégés, par exemple contre le licenciement (c. trav. art. L. 2411-3
Représentant de la section syndicale.
- Un syndicat non représentatif dans une entreprise de moins de 50 salariés peut désigner un élu titulaire du CSE comme représentant de la section syndicale qu'il y a créée, en suivant les mêmes formes que pour un DS (voir ci-avant ; c. trav. art. L. 2142-1-2 et L. 2142-1-4).
Ce représentant a le même rôle que celui d'une entreprise plus grande (voir ci-après), mais il utilise ses heures de délégation d'élu au CSE sauf si un accord collectif lui ouvre un crédit spécifique. Il est également protégé.
Pas de représentant syndical au CSE.
- Il n'est pas permis à un syndicat de désigner un représentant syndical au CSE dans une entreprise de moins de 50 salariés (cass. soc. 8 septembre 2021, n° 20-13694 FSB). En effet, cumuler la casquette de DS et celle de représentant syndical au CSE est ici impossible, que ce DS soit un élu du CSE ou désigné distinctement en application d'un accord collectif (voir ci-avant). La désignation d'un salarié qui serait non DS et non élu est également inenvisageable.
Effectif de 50 à 299 salariés
Délégué syndical distinct.
- Un DS qui ne soit pas un élu du CSE peut être désigné quand l'effectif atteint au moins 50 salariés. Cet effectif s'apprécie au niveau de l'entreprise ou de l'établissement distinct et doit avoir été atteint pendant 12 mois consécutifs. Il se calcule suivant les règles fixées par le code du travail (c. trav. art. L. 1111-2, L. 2143-3 et R. 2143-3).
Le cas échéant, l'effectif s'apprécie au niveau de l'UES (c. trav. art. L. 2313-8).
Syndicat représentatif ayant une section syndicale.
- Le syndicat qui veut désigner un DS doit être représentatif dans l'entreprise ou l'établissement. Il doit aussi y avoir créé une section syndicale (c. trav. art. L. 2143-3). Cela étant, la désignation du DS et la constitution de la section syndicale peuvent être concomitantes (cass. soc. 8 juillet 2009, n° 09-60011, BC V n° 180)
Contester une désignation.
La désignation d’un délégué syndical peut être contestée devant le tribunal judiciaire dans un délai de 15 jours. Pour l'employeur qui saisit le juge, le délai court à partir du lendemain du jour où il s'est vu notifier la désignation. Conditions à remplir par le salarié.
- Le DS doit remplir les conditions suivantes :
-être salarié de l’entreprise depuis au moins 1 an (4 mois en cas de création d’entreprise ou d'ouverture d’établissement) ;
-avoir au moins 18 ans ;
-ne pas avoir perdu ses droits civiques ;
-ne pas être assimilé à l'employeur (ex. : en raison d'une délégation de pouvoirs) (cass. soc. 12 juillet 2006, n° 05-60300, BC V n° 260).
Le DS exerce son mandat jusqu'au 1er tour de la prochaine élection (c. trav. art. L. 2143-11).
Score électoral.
- Le DS doit aussi être choisi parmi les candidats à la dernière élection du CSE qui ont recueilli à titre personnel et dans leur collège au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour de cette élection et ce, quel que soit le nombre de votants. À défaut de candidat remplissant cette condition, ou si l'ensemble des élus la remplissant ont renoncé à leur droit d'être désigné comme DS, le syndicat peut quand même désigner un DS. Il le choisit parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l'entreprise ou de l'établissement ou parmi ses anciens élus ayant eu plus de 3 mandats successifs au CSE (c. trav. art. L. 2143-3).
Représentation du syndicat.
- Le DS représente son syndicat dans l'entreprise (c. trav. art. L. 2143-3). Par exemple, c'est lui qui négocie les accords collectifs avec l'employeur. D'ailleurs, l'employeur qui a une section syndicale et un DS dans son entreprise se voit imposer d'engager régulièrement des négociations sur certains thèmes.
Informations et consultations.
- Le DS a accès à la base de données économiques, sociales et environnementales (c. trav. art. L. 2312-36).
L’employeur doit aussi lui fournir certaines informations (ex. : liste annuelle des modifications des conventions et accords collectifs applicables dans l’entreprise, informations nécessaires aux négociations obligatoires) (c. trav. art. L. 2262-6, L. 2242-11 et L. 2242-14).
Crédit d'heures et autres moyens.
- Le DS a des heures de délégation (12 h dans une entreprise de 50 à 150 salariés, 18 h de 151 à 499 salariés, 24 h au-delà) pendant lesquelles il peut se déplacer hors de l'entreprise (c. trav. art. L. 2143-13). Il peut aussi circuler librement dans l'entreprise et y prendre les contacts nécessaires à l'accomplissement de sa mission, notamment auprès d'un salarié à son poste de travail, mais sans apporter de gêne importante au travail. Il peut le faire en dehors de ses heures habituelles de travail (c. trav. art. L. 2143-20).
Représentant de la section syndicale(RSS).
- Le syndicat qui n'est pas représentatif dans l'entreprise ou l'établissement mais qui y a créé une section syndicale peut désigner un représentant de cette section en respectant les mêmes conditions, à l'exception de celles liées au score électoral, et formalités que pour la désignation d'un DS (voir ci-avant). Son mandat a la même durée et ses missions sont identiques à celles du DS, mais il ne peut ni négocier ni signer un accord collectif (c. trav. art. L. 2142-1). Il est protégé et a un crédit d'heures d'au moins 4 h par mois (c. trav. art. L. 2142-1-3).
Représentant syndical au CSE. - Dans une entreprise de moins de 300 salariés et dans les établissements appartenant à cette entreprise, le DS est de droit représentant syndical au CSE. À ce titre, il est destinataire des informations fournies au CSE (c. trav. art. L. 2143-22). Il assiste aux réunions avec voix consultative (c. trav. art. L. 2314-2). Il peut donc donner son avis mais il n'a pas le droit de vote.
Section syndicale dans une entreprise de moins de 300 salariés (1) |
Création par quel syndicat ? |
• Un syndicat (c. trav. art. L. 2142-1) : -représentatif -ou non représentatif qui remplit les critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, est légalement constitué depuis au moins 2 ans et dont le champ professionnel et géographique couvre l’entreprise ou l’établissement -et qui a au moins 2 adhérents dans l’entreprise ou l’établissement (cass. soc. 26 mai 2010, n° 09-60278, BC V n° 117) |
Quelle mission et quels moyens ? |
• Mission : représenter les intérêts matériels et moraux de ses membres (c. trav. art. L. 2142-1) • Local : -moins de 200 salariés, pas de local, sauf disposition conventionnelle plus favorable (c. trav. art. L. 2142-8) -200 salariés et plus, local commun aux sections syndicales • Panneau d’affichage distinct de celui du CSE (c. trav. art. L. 2142-3) • Réunion mensuelle (c. trav. art. L. 2142-10) Les adhérents de chaque section syndicale peuvent se réunir une fois par mois dans l'enceinte de l'entreprise en dehors des locaux de travail suivant des modalités fixées par accord avec l'employeur. Les sections syndicales peuvent inviter des personnalités syndicales extérieures à l'entreprise à participer à des réunions organisées par elles dans les locaux syndicaux mis à leur disposition en application de l'article L. 2142-8, ou, avec l'accord du chef d'entreprise, dans d'autres locaux mis à leur disposition. Des personnalités extérieures autres que syndicales peuvent être invitées par les sections syndicales à participer à une réunion, avec l'accord de l'employeur. |