Licenciement économique :

Critères d'ordre des licenciements

L’employeur qui décide de procéder à un licenciement économique doit prendre en compte les critères d’ordre de licenciement pour le choix du salarié concerné. La Cour de cassation

rappelle toutefois que l’employeur doit faire une application loyale des critères, c’est-à-dire les apprécier sur la base d’éléments pertinents, comme l’illustre cette affaire, qui portait sur l’évaluation des qualités professionnelles.

Rappel sur les critères d’ordre de licenciement

Liste légale. - En cas de suppression d’emploi (ou de transformation d’emploi, ou encore de modification de contrat refusée) pour motif économique, ce n’est pas forcément le titulaire du poste qui doit être licencié. L’employeur qui décide de procéder au licenciement économique d’un ou plusieurs salariés doit en effet raisonner à l’échelle de la catégorie professionnelle, c’est-à-dire d’un ensemble de salariés qui exercent au sein de l’entreprise des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. C’est au sein de la catégorie professionnelle concernée par la suppression de poste qu’il identifie le ou les salariés qui seront effectivement licenciés (cass. soc. 30 juin 1993, n° 91-43426, BC V n° 188 ; cass. soc. 16 mars 2005, n° 02-45.753, BC V n° 93). Pour cela, il doit appliquer les critères d’ordre des licenciements fixés par la convention collective ou par un accord d’entreprise ou d’établissement (c. trav. art. L. 1233-5 et L. 1233-7).

En l’absence de critères conventionnels, l’employeur définit lui-même ces critères en fonction des paramètres légaux et après consultation du comité social et économique (CSE). La loi impose que ces critères prennent notamment en compte (c. trav. art. L. 1233-5) :

-les charges de famille et, en particulier, celles des parents isolés ;

-l’ancienneté de service dans l’établissement ou l’entreprise ;

-la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment les personnes handicapées et les salariés âgés ;

-les qualités professionnelles appréciées par catégorie. Les qualités professionnelles ne se résument pas au diplôme

L’employeur peut compléter la liste légale et privilégier un des critères.  

La liste des critères légaux n’étant pas limitative, l’employeur peut la compléter par un ou des critères de son choix, mais il ne peut pas, sauf situations très particulières (CE 27 janvier 2020, n° 426230), exclure un des critères légaux (CE 22 décembre 2017, n° 400649), même à la demande des représentants du personnel (cass. soc. 19 décembre 2007, n° 06-43788 D).

L’employeur peut en revanche privilégier certains critères, à condition de tenir compte de l’ensemble des autres critères (c. trav. art. L. 1233-5 ; cass. soc. 2 mars 2004, n° 01-44084, BC V n° 68).

Un litige portant sur les critères d’appréciation des « qualités professionnelles »

Une salariée engagée depuis le 9 août 2009 en tant que secrétaire administrative puis comptable dans un établissement agricole. L’employeur avait par la suite supprimé, pour motif économique, l’un des deux postes du service administratif, ce qui avait conduit au licenciement de la secrétaire comptable le 9 octobre 2017. Contestant son licenciement, la salariée avait saisi le conseil de prud’hommes d’une demande de dommages-intérêts pour application déloyale des critères d’ordre des licenciements. Elle reprochait en effet à l’employeur d’avoir apprécié le critère des qualités professionnelles sur la seule base du diplôme, ce qui avait joué en sa défaveur, puisque sa collègue avait la même expérience, mais pouvoir se prévaloir d’une formation de linguiste espagnole.

La cour d’appel a donné raison à la salariée. Elle a considéré que le critère du diplôme était insuffisant pour apprécier les qualités professionnelles de deux salariées.

L’employeur s’est alors pourvu en cassation, sans succès.

L’appréciation des aptitudes professionnelles ne doit pas procéder d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir

La Cour de cassation valide la position des juges du fond.

Elle rappelle que si le juge ne peut, pour la mise en œuvre de l'ordre des licenciements, substituer son appréciation des qualités professionnelles du salarié à celle de l'employeur, il lui appartient, en cas de contestation, de vérifier que l'appréciation portée sur les aptitudes professionnelles du salarié ne procède pas d'une erreur manifeste ou d'un détournement de pouvoir (cass. soc. 24 septembre 2014 n° 12-16991, BC V n° 201 ; cass. soc. 22 septembre 2021 n° 19-23679 D).

Elle rappelle en outre que, en cas de litige, l'employeur doit communiquer au juge les éléments objectifs sur lesquels il s'est appuyé pour arrêter son choix.

Une fois ces principes rappelés, la Cour de cassation confirme que le diplôme, qui n’était pas nécessairement révélateur des qualités professionnelles, ne permettait pas de déterminer, à expérience équivalente, laquelle des deux salariées était la plus apte à occuper le seul poste restant du service administratif. Et que l’on voit mal en quoi un établissement agricole avait intérêt à conserver une linguiste espagnole... L’employeur avait donc appliqué les critères de façon inégalitaire et déloyale.

Cass. soc. 18 janvier 2023, n° 21-19675 D