La discrimination
La discrimination syndicale
En droit du travail, une discrimination est le fait pour l’employeur de prendre en compte des différences pour opérer des hiérarchies selon des motifs interdits par l’article 1132-1 du code du travail (notamment origine, sexe, mœurs, orientation sexuelle, religion, syndicalisme, politique, appartenance ethnique, apparence, état de santé, lanceur d’alerte, etc.).
Toute différence de traitement entre les salariés d'une même entreprise ne constitue pas en elle-même une discrimination. La discrimination, même fondée sur les motifs énumérés à l'article L. 1132-1 du code du travail n'est pas considérée dans tous les cas comme illégitime. En effet, des différences de traitement discriminatoires sont admises lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. (C. trav., art. L. 1133-1). Plusieurs motifs de discrimination sont spécifiquement visés comme
- l'âge (C. trav., art. L. 1133-2),
- l'inaptitude constatée par le médecin du travail ou les mesures prises en faveur des personnes handicapées (C. trav., art. L. 1133-3 et L. 1133-4),
- La vulnérabilité économique et le lieu de résidence (C. trav., art. L. 1133-5 et L. 1133-6)
Question sur le mi-temps thérapeutique :
Dans cette affaire, un salarié est victime d’un accident de travail et est placé en mi-temps thérapeutique le temps de sa récupération complète. L’employeur ne lui paye pas sa prime participation au titre de sa période de travail à mi-temps thérapeutique, en exécution de l'accord de participation de la société. Il saisit alors les juridictions. La Cour de Cassation juge que constitue une discrimination fondée sur la santé d’une personne le fait de venir abaisser en dessous du plancher fixé par l’accord de participation la prime qu’il obtient: « Il résulte de la combinaison de ces textes que la période pendant laquelle un salarié, en raison de son état de santé, travaille selon un mi-temps thérapeutique doit être assimilée à une période de présence dans l'entreprise, de sorte que le salaire à prendre en compte pour le calcul de l'assiette de la participation due à ce salarié est le salaire perçu avant le mi-temps thérapeutique et l'arrêt de travail pour maladie l'ayant, le cas échéant, précédé.
Sur le refus de laisser une personne accéder au processus de recrutement en raison de son refus de communiquer son âge
Ici, une candidate refuse de donner son âge car elle ne remarque qu’aucun des salariés occupant le poste qu’elle désire n’a plus de 56 ans et qu’elle a elle-même 57 ans. Elle est alors exclue du processus de recrutement pour ce refus. La Cour de Cassation dispose que la discrimination directe effectuée par l’entreprise ne pouvait être acceptée car elle n’était pas objectivement et raisonnablement justifiée par un but légitime, et que le refus de reconvoquer la candidate à la suite de son refus de communiquer sa date de naissance n’était ni nécessaire ni approprié (Cour de cassation, Chambre sociale, 6 septembre 2023, n°22-15.514)
Sur le fait de désigner une personne par son origine réelle ou supposée :
Une salariée est licenciée pour cause réelle et sérieuse. Elle saisit la juridiction car selon elle, elle a subi un harcèlement moral et une discrimination en raison de son origine. La Cour de Cassation rappelle que lorsque le salarié présente plusieurs éléments de fait constituant selon lui une discrimination directe ou indirecte, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination. Dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
La Cour juge que
le fait pour la salariée d’être désigné comme « La libanaise » est un élément qui laisse supposer l’existence d’une discrimination directe, puisque l’existence d’une discrimination n’implique pas nécessairement une comparaison avec la situation d'autres salariés. (Cour de cassation, Chambre sociale, 20 septembre 2023, 22-16.130)
En conclusion
On peut constater que la Cour de Cassation et la Défenseure des droits, suivant l’évolution de la société et des règlementations et jurisprudences européennes, élargissent le champ des discriminations à des situations de plus en plus variées, et relevant de choix de gestion de l’employeur qui ne sont pas justifiés par les besoins objectifs de l’entreprise ou par les contraintes réelles de l’exercice de la profession.
Puisque le CSE dispose dans ce domaine de pouvoirs d’action (alerte) et d’investigation (enquête) extrêmement forts, et qu’il peut à titre exceptionnel mener ces dossiers jusqu’à une procédure judiciaire contentieuse, il est important que les élus gardent tout leur sens aux aguets face à des comportements de management qui sembleraient suspects afin de pouvoir s’en saisir si besoin.
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Discrimination syndicale
Le thème de la discrimination syndicale nourrit régulièrement les contentieux devant les juridictions prud'homales. Il s'agit du fait, pour l'employeur, de se fonder sur l’exercice d’une activité syndicale pour différencier le traitement qu’il réserve à un salarié par rapport à d’autres (ex : formation professionnelle, avancement, rémunération, etc.).
Lorsque le salarié réussit à prouver qu'il a été victime d'une discrimination syndicale, les juges condamnent l'employeur à réparer le préjudice (attribution de dommages et intérêts, reclassement du salarié au poste où il aurait dû être affecté). Mais pour chiffrer l'ampleur du préjudice du salarié, faut-il retenir la situation de ses collègues occupant des postes comparables, ou de ceux ayant une classification identique ?
Telle était la question qui se posait dans une affaire jugée dans une affaire concernant des élus et mandatés USAPIE.
Un salarié qui s'estimait victime d'une discrimination syndicale avait saisi les prud'hommes pour obtenir des dommages et intérêts à ce titre. Il avait obtenu gain de cause devant les juges du fond, qui avaient condamné l'employeur à réparer le préjudice salarial découlant de cette discrimination syndicale.
Dans le détail, les juges avaient :
- alloué au salarié des dommages et intérêts en réparation de l'intégralité de ses préjudices moral, financier et d'incidence sur sa retraite ;
- ordonné une remise à niveau par la société du salaire mensuel de base du salarié ;
- demandé à la société de faire bénéficier le salarié des augmentations collectives annuelles pratiquées pour son groupe et son coefficient d'emploi.
Évaluation du préjudice salarial du salarié victime
L'employeur contestait le mode de calcul que les juges avaient retenu. Pour l'employeur, il aurait fallu comparer la situation du salarié avec celle de ceux placés dans une situation identique à la sienne, c'est-à-dire les salariés occupant des postes comparables, et non pas tous les salariés bénéficiant du même positionnement dans la classification conventionnelle, indépendamment des fonctions effectivement exercées.
Or, ici, les juges avaient octroyé les dommages et intérêts en tenant compte du fait que la rémunération de base du salarié se situait nettement au-dessous du salaire moyen et même médian de son groupe et de son niveau (soit le groupe 6 niveau C de la convention collective de l’industrie pharmaceutique), avec une ancienneté comparable.
L'employeur faisait valoir que :
- d'une part, le groupe 6 comporte, sans distinction selon les fonctions, tous les salariés « dont les activités requièrent une qualification correspondant à un niveau d'expertise dans une technique et/ou impliquent la maîtrise de plusieurs techniques, ainsi que ceux qui exercent une responsabilité d'encadrement sur des salariés des groupes I à V ou éventuellement VI » ;
- d'autre part, le niveau C inclut les salariés qui « de par leur qualité d'expert, d'un niveau d'autonomie et d'initiative plus important et/ou ont des responsabilités plus grandes ».
Ainsi, argumentait l'employeur, tous les salariés ayant le même positionnement dans la convention collective n'étaient pas dans une situation comparable au salarié au regard de leur activité et de leurs fonctions, la juste comparaison avec la situation des salariés ayant la même fonction que le salarié ne montrant pas, année par année, de réelles disparités salariales.
L'affaire est arrivée devant la Cour de cassation, qui a validé la pertinence du panel de comparaison retenu par les juges du fond. La condamnation de l'employeur à verser des dommages et intérêts sur ce fondement a donc été confirmée.