Sommaire :


1/Harcèlement moral. 

2/Mails professionnels et données personnelles.

 

1/Harcèlement moral. 

Le 11 mars 2025, la Cour de cassation a rendu un arrêt remarqué en matière de harcèlement moral.
Elle y affirme qu’un salarié n’a pas besoin de prouver une altération de son état de santé pour obtenir la reconnaissance d’un harcèlement moral.
Cette décision marque un tournant dans l’interprétation juridique des faits de harcèlement en entreprise.
Elle élargit la protection des salariés et donne de nouveaux leviers d’action aux élus du personnel et aux membres de la CSSCT.
Ce jugement remet aussi en question certaines pratiques managériales encore trop répandues.
Dans cet article, nous revenons sur cette jurisprudence, ses conséquences concrètes pour les représentants du personnel, et les points de vigilance à adopter côté employeur.

Une protection élargie, même sans preuve médicale.
L’affaire à l’origine de cet arrêt concernait une salariée dénonçant plusieurs faits vécus comme du harcèlement.
Elle rapportait une charge de travail anormalement élevée, des avertissements jugés injustifiés, et l’impossibilité de poser des congés pendant une année entière.
Pourtant, les juridictions précédentes avaient rejeté sa demande.
Selon elles, l’absence de preuve d’une dégradation de sa santé ne permettait pas de qualifier juridiquement les faits.
La Cour de cassation a cassé cette décision. Elle rappelle que ni l’état de santé du salarié, ni la seule dégradation des conditions de travail ne conditionnent la reconnaissance du harcèlement moral.
Le juge doit se concentrer sur la répétition des agissements et leur caractère objectivement hostile.
Ce revirement ouvre un champ plus large pour les salariés, sans qu’ils aient à produire des certificats médicaux pour se défendre.

Un levier d’action direct pour les élus du CSE.
Cet arrêt offre aux élus du CSE un cadre clair pour agir face à une situation de harcèlement moral. Jusqu’ici, beaucoup hésitaient à intervenir sans document médical ou signalement formel. Dorénavant, ils peuvent se saisir des faits dès lors qu’ils observent une répétition d’agissements hostiles, même discrets. L’impact sur la santé du salarié n’a plus besoin d’être démontré. Cette évolution facilite les démarches du CSE pour alerter l’employeur, consigner les faits ou demander des explications. En cas de suspicion de risque grave, les élus peuvent également décider de recourir à un expert habilité.
Ce changement redonne du poids au rôle de vigilance du CSE, en amont de toute procédure disciplinaire ou judiciaire.

Une responsabilité renforcée pour l’employeur.
Cette décision invite les employeurs à revoir leur approche en matière de prévention des risques psychosociaux.
Attendre qu’un salarié montre des signes de détresse médicale n’est plus une option défendable.
Dès lors que des comportements répétés créent un climat dégradé, l’employeur doit réagir.
Il lui revient de traiter les alertes sérieusement, de documenter les faits et, si nécessaire, de mener une enquête interne.
L’arrêt du 11 mars 2025 renforce l’obligation de prévention inscrite dans le Code du travail.
Il rappelle que la charge de travail, les tensions relationnelles ou les sanctions injustifiées ne doivent jamais être banalisées.
Un silence ou une inaction face à ces signaux peut désormais être retenu contre l’entreprise.

En s’appuyant sur cette jurisprudence, les représentants du personnel disposent d’un argument solide pour exiger des mesures concrètes. 

Nouveauté de l’arrêt du 4 juin 2025 (n° 24-12.086).
Dans cette affaire, une salariée dénonce un harcèlement.
Son employeur la licencie, affirmant qu’elle a menti.
𝐌𝐚𝐢𝐬 𝐢𝐥 𝐧𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐮𝐯𝐞 𝐩𝐚𝐬 𝐪𝐮𝐞 𝐥𝐚 𝐬𝐚𝐥𝐚𝐫𝐢𝐞́𝐞 𝐬𝐚𝐯𝐚𝐢𝐭 𝐪𝐮𝐞 𝐜’𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐭 𝐟𝐚𝐮𝐱.
Résultat : licenciement annulé, indemnisation lourde à la clé.
Ce que tout DRH doit retenir:
• Le salarié est protégé même si les faits ne sont pas prouvés
• Le salarié ne peut être sanctionné que s’il a sciemment menti
• La charge de la preuve revient à l’employeur
• Mentionner une dénonciation dans un licenciement sans preuve de mauvaise foi est une erreur stratégique et juridique.

2/Mails professionnels et données personnelles.

La Cour de cassation confirme que les mails professionnels sont des données personnelles accessibles au salarié au titre du RGPD(Le règlement général de protection des données). 
Le 18 juin 2025, la Cour de cassation a rendu un arrêt fondamental.
Dans cette affaire, un salarié, après la rupture de son contrat, avait demandé l’accès à l’ensemble des données le concernant, notamment ses mails professionnels envoyés ou reçus via sa messagerie d’entreprise. L’employeur avait refusé de les transmettre. À tort.
La Cour rappelle que :
• Les mails professionnels sont, par principe, des données à caractère personnel, y compris lorsqu’ils sont envoyés ou reçus sur une adresse professionnelle.
• Le salarié peut donc en réclamer communication, tant pour leur contenu que pour leurs métadonnées (horodatage, destinataires…).
• L’employeur ne peut refuser que dans des cas stricts et justifiés, par exemple pour atteinte aux droits d’autrui. Ce qui n’était pas le cas ici.
Autrement dit, le salarié a le droit de récupérer ses mails professionnels pour défendre ses droits, y compris après son départ.

Ce que cela change (et confirme):
Cette jurisprudence va bien au-delà d’une simple question de RGPD. Elle marque un véritable tournant dans l’équilibre du rapport de force au moment de la rupture. En effet, de nombreux employeurs écartent les salariés de leur poste dès la convocation à l’entretien préalable, précisément pour les empêcher d’accéder à leurs mails, fichiers et éléments de preuve internes.

Cette décision de la Cour de cassation coupe court à ces pratiques : empêcher l’accès aux preuves, c’est entraver un droit fondamental garanti par le RGPD et l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (droit à un procès équitable).
Au regard du droit européen applicable, il est évident que cette jurisprudence française doit s’imposer comme une référence incontournable.

Tout salarié a lui aussi :
• Le droit d’accès à ses données personnelles (dont les mails pro) au titre du RGPD,
• Le droit d’invoquer la CEDH : La Cour applique la Convention européenne des droits de l'homme. Sa mission consiste à vérifier que les droits et les garanties prévus par la Convention sont respectés par les États, pour garantir l’accès aux preuves de sa propre défense.
Il est urgent que les juridictions luxembourgeoises s’alignent sur cette lecture protectrice des droits du salarié.