Sommaire

1/ Représentativité et restructuration RS au CE, la loi change

2/ Entretien préalable : l’employeur n’est pas tenu de divulguer ses preuves

3/ Obligation de discrétion des membre du CE

4/ Forfait jours, un entretien annuel est obligatoire

5/ Indemnité de conciliation prud’homale

6/ Nouveaux délais pour négocier le protocole préélectoral

 

La représentativité syndicale à l'épreuve des restructurations

 Une fois qu'il a été reconnu représentatif, un syndicat conserve ce statut sur toute la durée du cycle électoral. Les éventuelles cessions ou prises en location-gérance susceptibles d'intervenir entre deux élections n'ont, de ce point de vue, aucune incidence.

Rien ne change pour les élus du personnel, CE, DP, CHSCT qui dans ces situations perdent leurs mandats, sauf accord dérogatoire entre le nouvel employeur et les organisations syndicales de la nouvelle entreprise.

 

Garantir la stabilité de la représentation syndicale. - La représentativité des organisations syndicales, dans un périmètre donné, est établie pour toute la durée du cycle électoral, donc pour 4 ans, sauf accord collectif fixant une durée moindre. Ce principe, posé pour la première fois par la Cour de cassation en 2013, est dicté par le souci de garantir aux organisations syndicales une certaine stabilité.

 

Ainsi, peu importe l'organisation d’élections partielles ou la perte d'un nombre important d’adhérents durant le cycle électoral : le syndicat reste représentatif jusqu'à la fin du cycle (cass. soc. 13 février 2013, n° 12-18098, BC V n° 42 ; cass. soc. 14 novembre 2013, n° 12-29984 FSPB).

 

Quatre arrêts datés du 19 février 2014 proposent de nouvelles illustrations de ce principe, cette fois dans le cadre de restructurations.

 

Maintien de la représentativité en cas de cession d'établissement. - Deux décisions concernent une société qui avait cédé l'un de ses huit établissements. Pour l'employeur, cette cession avait eu pour effet de faire perdre à l'un des syndicats son statut d'organisation représentative. En effet, dans la nouvelle configuration, le syndicat n'atteignait plus le seuil de 10 % des voix. Il ne pouvait donc plus désigner de délégué syndical, ni de représentant syndical au comité central d'entreprise (c. trav. art. L. 2143-5 et L. 2327-6).

 

Or, pour la Cour de cassation, il n'y avait pas à recalculer l'audience du syndicat. Tant que le cycle électoral n'était pas achevé, cette représentativité ne pouvait pas lui être retirée au prétexte qu'un certain nombre de salariés avaient vu leur contrat de travail transféré avec la cession d'un établissement (cass. soc. 19 février 2014, n° 12-29354 FSPBR ; cass. soc. 19 février 2014, n° 13-20069 FSPBR).

 

Pas d'acquisition de la représentativité à la suite de prises en location-gérance. - Les deux décisions suivantes constituent en quelque sorte le miroir des deux premières affaires.

 

Elles concernent deux filiales d'un même groupe qui avaient chacune repris en location-gérance un certain nombre d'établissements. Un syndicat était implanté dans les deux filiales, mais n'avait pas réussi à y obtenir le statut de syndicat représentatif, faute d'une audience suffisante. En revanche, ce même syndicat était représentatif dans les établissements pris en location-gérance. Il avait donc mis à profit la nouvelle organisation pour désigner, dans chacune des filiales, un délégué syndical central et un représentant syndical au comité central d'entreprise.

 

La Cour de cassation donne tort au syndicat, toujours en vertu du principe selon lequel la représentativité des organisations syndicales est établie pour toute la durée du cycle électoral. Dans ces affaires, seules comptaient les élections organisées dans les deux filiales. Le syndicat n'étant parvenu à atteindre le seuil de 10 % dans aucune de ces deux sociétés, il ne pouvait pas acquérir le statut de syndicat représentatif en cours de cycle électoral (cass. soc. 19 février 2014, n° 13-16750 FSPBR ; cass. soc. 19 février 2014, n° 13-17445 FSPBR).

 Cass. soc. 19 février 2014, n° 12-29354 FSPBR ; cass. soc. 19 février 2014, n° 13-16750 FSPBR ; cass. soc. 19 février 2014, n° 13-17445 FSPBR ; cass. soc. 19 février 2014, n° 13-20069 FSPBR

 

Un syndicat peut désigner comme délégué syndical un salarié qui vient d’être transféré

Le syndicat représentatif qui souhaite désigner un délégué syndical doit le choisir en principe parmi les candidats ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections dans l’entreprise (c. trav. art. L. 2143-3).

Mais quid du salarié ayant fait l’objet d’un transfert d’entreprise (c. trav. art. L. 1224-1) au cours du cycle électoral ? Peut-il se prévaloir du score électoral obtenu lors des élections dans sa précédente entreprise ?

 Par le passé, la Cour de cassation avait estimé que, sauf transfert d’une entité emportant maintien des mandats représentatifs (voir ci-après), un salarié transféré ne pouvait pas se prévaloir du score électoral obtenu dans son entreprise d’origine pour être désigné délégué syndical dans l’entreprise d’accueil (cass. soc. 14 décembre 2011, n° 10-27441, BC V n° 300).

Dans un arrêt rendu le 19 février 2014, la Cour de cassation atténue sa position en mettant à contribution les règles alternatives de désignation des délégués syndicaux, qui permettent aux syndicats de désigner comme délégué un candidat qui n’a pas atteint les 10 % d’audience, voire un simple adhérent (c. trav. art. L. 2143-3). Interprétant ces règles à la lumière des dispositions européennes relatives à la représentation du personnel en cas de transfert (dir. 2001/23/CE du 12 mars 2001, art. 6, JOCE du 22), les juges estiment que, dès lors qu’il a présenté des candidats aux élections, un syndicat peut se prévaloir de ce régime alternatif pour désigner comme délégués syndicaux des salariés de l’entité transférée, dans la limite du nombre total de délégués auquel il a droit. Dans ces conditions, l’audience électorale des salariés transférés n’entre plus en considération.

 

Ajoutons que ce « montage » devient sans objet lorsque l’entité transférée conserve son autonomie juridique. En effet, il y a alors maintien de plein droit des mandats représentatifs (c. trav. art. L. 2143-10).

 Cass. soc. 19 février 2014, n° 13-14608 FSPBR

Nomination d’un RS au CE : important changement

article L2324-2 du code du travail  issu de la  LOI n°2014-288 du 5 mars 2014  dispose  « Sous réserve des dispositions applicables dans les entreprises de moins de trois cents salariés, prévues à l'article L. 2143-22, chaque organisation syndicale représentative dans l'entreprise ou l'établissement peut désigner un représentant syndical au comité. Il assiste aux séances avec voix consultative. Il est choisi parmi les membres du personnel de l'entreprise et doit remplir les conditions d'éligibilité au comité d'entreprise fixées à l'article L. 2324-15 ».

 

Le principe de non-rétroactivité des lois signifiant qu’une loi ne peut être appliquée à des actes ou à des faits qui se sont passés avant son entrée en vigueur. Une loi nouvelle ne peut en principe modifier ou effacer les effets juridiques d’une loi ancienne. La loi dispose pour l’avenir, c’est-à-dire qu’à partir du moment où une loi entre en vigueur, elle régira les situations juridiques futures.

 

Conséquences : avoir 2 élus au CE, par exemple un titulaire et un suppléant ne suffira plus pour nommer un RS, il faudra avoir obtenu 10% aux dernières élections des titulaires CE.

Cette loi ne remet donc pas en cause les mandats des représentants syndicaux au CE désignés selon la loi ancienne pour l’instant. Il conviendra donc d’attendre les prochaines élections.


Procédure disciplinaire : l'employeur n'a pas à dévoiler ses preuves jusqu'à la notification de la sanction

Qu'il s'agisse de l'avis d'un conseil de discipline ou des pièces d'une enquête interne, l'employeur n'est pas tenu de communiquer au salarié, avant la notification du licenciement ou d'une sanction disciplinaire, les éléments à charge dont il dispose. Il n'y a là ni violation des droits de la défense ni méconnaissance du principe du contradictoire puisque ces éléments pourront, le cas échéant, être discutés devant le juge. L'employeur a seulement l'obligation d'indiquer au salarié le motif du licenciement ou de la sanction lors de l'entretien préalable.

 

Communiquer l'avis du conseil de discipline ? - Un ancien salarié contestait son licenciement pour faute grave (harcèlement sexuel). D'après lui, son ancien employeur aurait dû lui communiquer la décision de la commission disciplinaire (instance prévue par la convention collective). Il s'agissait d'une garantie de fond dont le non-respect invalidait automatiquement le licenciement. Il soutenait par ailleurs que cette absence de communication avait contrevenu aux droits de la défense et au principe du contradictoire.

 

Son argumentaire est rejeté par les juges qui relèvent que la transmission de l'avis du conseil de discipline avant la notification du licenciement n'était pas prévue par la convention collective, de sorte que la procédure de licenciement avait été régulière.

 

Mais surtout, aucune atteinte aux droits de la défense ni au principe du contradictoire ne pouvait être invoquée, puisque la décision de l'employeur suite à l'avis du conseil de discipline, tout comme les éléments ayant fondés celle-ci, ont vocation, en cas de litige, à être ultérieurement discutés devant les juridictions de jugement. Autrement dit, l'employeur n'était pas obligé de communiquer l'avis en question à l'intéressé avant de le licencier.

 

Communiquer les pièces d'une enquête interne ? - Pour l'ancien salarié, l'enquête interne menée par l'employeur s'était elle aussi déroulée en violation de ses droits de la défense et du principe du contradictoire, dans le mesure où il avait été mis à l'écart de cette enquête : il n'avait pas été régulièrement entendu ni confronté à ses accusateurs, l'identité des témoins ne lui avait pas été communiquée et il n'avait pas été régulièrement informé des avancées de l'enquête.

 

Là encore, la Cour de cassation est allée dans le sens de l'employeur : ce dernier a seulement l'obligation d'indiquer au salarié au cours de l'entretien préalable le motif de la sanction envisagée et de recueillir ses explications (c. trav. art. L. 1232-3) ; il n'est pas tenu de lui communiquer les pièces susceptibles de justifier cette sanction.

Cass. soc. 18 février 2014, n° 12-17557 FSPB


Obligation de discrétion des membres du CE

 

Les membres du comité d’entreprise et les représentants syndicaux au comité ont l’interdiction de divulguer un certain nombre de documents, clairement identifiés, notamment les éléments comptables (c. trav. art. L. 2323-10 et L. 2323-82), mais également tout document pour lequel l’employeur a exigé la confidentialité (c. trav. art. L. 2325-5).

Forfait annuel en jours : préciser le nombre de jours travaillés et organiser l’entretien annuel

Un forfait annuel en jours doit non seulement faire l’objet d’une clause spécifique du contrat de travail mais aussi être précis dans la définition du nombre de jours travaillés, sous peine de nullité. Par ailleurs, l’entretien annuel imposé dans le cadre de ce forfait doit être organisé y compris pour les salariés ayant signé leur convention avant le 22 août 2008.

 

Quand un cadre met en cause sa convention de forfait devant les juges. – Un salarié, chef d’application statut cadre, a mis en cause la convention de forfait en jours inscrite dans son contrat de travail à la suite de son licenciement pour faute grave.

 

Il faisait valoir, d’une part, le défaut de précision de son contrat quant au nombre de jours travaillés, et d’autre part, le défaut d’organisation par l’entreprise de l’entretien portant sur sa charge de travail.

 

Définition du nombre de jours travaillés dans la convention de forfait. – La convention de forfait prévoyait une fourchette de 215 à 218 jours de travail. Il s’agissait là pour l’employeur de prendre en compte les variables liées au calendrier, celles-ci rendant impossible, selon lui, une définition intangible du nombre maximal de jours travaillés chaque année.

 

Selon la Cour de cassation, une convention de forfait en jours doit fixer le nombre de jours travaillés. Toute imprécision invalide ce type de convention. Les juges d’appel auraient donc dû prononcer la nullité de la convention de forfait.

 

La Cour de cassation déduit ce principe du code du travail. En effet, dans le cadre d’une convention de forfait annuel en jours, « le nombre de jours travaillés dans l'année ne peut excéder un nombre maximal fixé » par l'accord collectif mettant en place les forfaits dans l’entreprise.

 

En pratique, la convention de forfait annuel en jours inscrite dans un contrat de travail doit fixer un nombre exact et intangible de jours travaillés. Il n’est pas question, comme en l’espèce, d’indiquer une fourchette de jours travaillés, sous peine de voir la convention privée de tout effet.

 

Les conséquences peuvent être lourdes puisque le salarié peut alors demander le paiement des heures supplémentaires qu’il a effectuées. La charge de la preuve ne pèse alors pas sur le seul salarié, comme le rappelle la Cour de cassation.

 

Pour mémoire, un simple renvoi dans le contrat de travail à l’accord collectif instituant les forfaits dans l’entreprise est insuffisant (cass. soc. 31 janvier 2012 n° 10-17593, BC V n° 44).

 

En résumé, le forfait annuel en jours doit faire l’objet d’une clause spécifique et précise du contrat de travail.

 

Organisation de l’entretien annuel.

 

 - L’employeur doit organiser un entretien annuel avec chaque salarié en convention de forfait en jours sur l’année. Cet entretien porte sur la charge de travail du salarié, l’organisation du travail dans l’entreprise, l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale ainsi que la rémunération du salarié (c. trav. art. L. 3121-46).

Cette disposition issue de la loi 2008-789 du 20 août 2008, entrée en vigueur le 22 août de la même année, était-elle applicable en l’espèce dans la mesure où le salarié avait signé son contrat avant cette date ?

 

Pour la Cour de cassation, la réponse est positive : ces dispositions « sont applicables aux conventions individuelles de forfait en jours en cours d’exécution » lors de leur entrée en vigueur.

 

L’employeur qui, comme en l’espèce, n’organise pas cet entretien encourt une condamnation au paiement d’une indemnité pour exécution déloyale de la convention de forfait en jours (15 000 euros, en l’espèce).

Cass. soc. 12 mars 2014, n° 12-29141 FSPB


L’indemnité de conciliation prud’homale est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite du barème réglementaire

La loi de sécurisation de l’emploi a mis en place une indemnité forfaitaire en cas de conciliation devant les prud'hommes pour certaines contestations relatives à un licenciement (c. trav. art. L. 1225-1).

 

L'administration fiscale vient de préciser dans sa documentation officielle que cette indemnité était exonérée d'impôt sur le revenu dans la limite du barème fixé selon l’ancienneté du salarié (c. trav. art. D. 1235-21) :

 

-2 mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté inférieure à 2 ans ;

-4 mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté comprise entre 2 ans et moins de 8 ans ;

-8 mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté comprise entre 8 ans et moins de 15 ans ;

-10 mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté comprise entre 15 ans et 25 ans ;

-14 mois de salaire si le salarié justifie chez l'employeur d'une ancienneté supérieure à 25 ans.

 

BOFiP-RSA-CHAMP-20-40-10-30- §§ 13 et 15-07/03/2014


Élections professionnelles
De nouveaux délais pour négocier le protocole préélectoral

Préalablement aux élections professionnelles, l’employeur doit inviter les organisations syndicales intéressées à venir négocier un protocole d’accord préélectoral dont l’objet est de fixer les conditions de déroulement du vote.

 

Jusqu’alors, il n’existait pas de délai minimal entre l’invitation des syndicats à négocier le protocole préélectoral et la tenue de la première réunion de négociation. Dans le silence des textes, le juge imposait simplement une invitation « en temps utile » (cass. soc. 25 janvier 2012, n° 11-60093, BC V n° 25).

 

La loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale clarifie ce point. Elle précise que l’invitation à négocier doit parvenir aux syndicats au plus tard 15 jours avant la date de la première réunion de négociation du protocole préélectoral (loi 2014-288 du 5 mars 2014, art. 30-I et 30-II, JO du 6 ; c. trav. L. 2314-3 et L. 2324-4 modifiés).

 

Ce délai de 15 jours s’applique aussi bien en cas de renouvellement des institutions qu’en cas de première mise en place.

La création d’un délai minimal entre l’invitation et la première réunion entraîne un allongement du délai global pour mener à bien le processus électoral. Ce délai minimal, qui court de l’invitation des syndicats à la date d’expiration du mandat des représentants du personnel en exercice, passe de 1 à 2 mois (loi art. 30-I et 30-II ; c. trav. art. L. 2314-3 et L. 2324-4 modifiés).

 

Précisons que ce délai ne s’applique pas en cas de première mise en place des représentants du personnel, puisqu’il n’y a, par hypothèse, pas de date d’expiration des mandats.

 

Ces dispositions sont entrées en vigueur le 7 mars 2014.

Loi 2014-288 du 5 mars 2014 (art. 30-1 et 30-II), JO du 6