Décembre 2015

Sommaire

1/ Annulation de l’autorisation de licenciement

2/ Harcèlement sexuel

3/ Congé de mobilité

4/ Smic

 

 

1/ Annulation de l’autorisation de licenciement

En cas d’annulation de l’autorisation de licenciement, l’employeur doit réparer le préjudice moral subi par le salarié

L’indemnité versée au salarié qui demande sa réintégration à la suite de l’annulation de l’autorisation de licenciement doit couvrir le préjudice matériel et le préjudice moral subis pendant la période d’éviction de l’entreprise. On ne peut pas considérer que le préjudice moral est partiellement réparé par la réintégration.

Étendue de l’indemnisation.

 - Lorsque l’autorisation de licenciement accordée par l’inspecteur du travail est finalement annulée et que le salarié demande sa réintégration, l’employeur doit lui verser une indemnité correspondant à la totalité du préjudice subi au cours de la période écoulée entre son licenciement et sa réintégration (c. trav. art. L. 2422-4).

Cette indemnité répare à la fois le préjudice matériel (perte de revenus) et le préjudice moral (cass. soc. 30 novembre 1994, n° 93-42841, BC V n° 322 ; cass. soc. 11 mai 1999, n° 97-41821 D). Pour l’appréciation du préjudice matériel, il faut tenir compte des revenus éventuellement perçus par le salarié pendant la période : autres revenus professionnels, allocations de chômage, pension d’invalidité, etc. (cass. soc. 2 mai 2001, n° 98-46342, BC V n° 148 ; cass. soc. 28 octobre 2003, n° 01-40762, BC V n° 263 ; cass. soc. 29 septembre 2014, n° 13-15733, BC V n° 214)

Indemnité cantonnée à tort au préjudice matériel.

- Dans cette affaire, un salarié qui exerçait divers mandats représentatifs avait été licencié pour motif économique. Après 5 ans de procédure, il avait obtenu l’annulation de son autorisation de licenciement et avait en conséquence demandé sa réintégration.

L’employeur l’avait réintégré et lui avait versé une indemnité qui ne couvrait cependant que le préjudice matériel. Le salarié avait en conséquence saisi le conseil de prud’hommes pour obtenir l’indemnisation de son préjudice moral.

Dans une curieuse argumentation, la cour d’appel avait rejeté sa demande, au prétexte que le préjudice moral avait été réparé par la réintégration et par l’indemnité versée par l’employeur.

Sans surprise, cette décision est cassée : il n’y avait aucune ambiguïté sur le fait que l’indemnité versée par l’employeur ne couvrait que le préjudice matériel. Dans ces conditions, le juge aurait dû accorder au salarié une indemnité complémentaire, au titre du préjudice moral.

Cass. soc. 12 novembre 2015, n° 14-10640 FSPB

 

2/ Harcèlement sexuel :

 Même s’il mésestime la portée de ses agissements, le salarié peut être condamné au pénal

Dans un arrêt du 18 novembre 2015, la chambre criminelle de la Cour de cassation a statué sur une affaire de harcèlement sexuel commis à l’encontre de deux employées, par un salarié occupant un poste de chef de rayon dans un magasin d’alimentation.

On rappellera que le harcèlement sexuel est prohibé par le code du travail et constitue un délit pénal. Il se définit, dans son acception première, comme le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante (c. trav. art. L. 1153-1, 1° ; c. pén. art. 222-33, I).

Suite à une plainte déposée par deux employées le salarié a été poursuivi pour harcèlement sexuel devant le tribunal correctionnel.

Les faits qui lui étaient reprochés sont édifiants. Dès le début, le salarié avait dit à l’une des employées qu’elle était mignonne, qu’elle avait de beaux yeux et lui avait proposé d’aller prendre un verre après le travail. Malgré ses refus réitérés, il avait renouvelé ses propos et ses invitations et lorsqu’elle lui avait dit qu’elle avait un ami, il lui avait répondu que ce n’était pas grave et qu’elle n’était pas obligée de le mettre au courant.

Jusqu’au jour où, alors qu’elle se trouvait seule avec lui dans une chambre froide, il l’avait prise par la taille. Il lui avait également proposé de la « réchauffer », de « s’arranger » et l’avait prévenu qu’il n’abandonnerait jamais tant qu’il n’aurait pas ce qu’il voulait.

Les « avances » insistantes du salarié avaient rendu l’ambiance malsaine et entraîné chez l’autre employée, à l’égard de laquelle il faisait preuve d’un comportement aussi explicite, un stress quotidien et un état dépressif. De plus, suite à ces faits, les CDD des deux employées n’avaient pas été renouvelés comme ils l’avaient été antérieurement.

Devant le tribunal correctionnel, le salarié a été déclaré coupable du délit de harcèlement sexuelet condamné à 1 500 € d’amende. Pour confirmer ce jugement, la cour d’appel avait retenu que le salarié avait, de manière insistante et répétée, en dépit du refus des employées de céder à ses avances, formulé, verbalement ou par SMS, des propositions explicites ou implicites de nature sexuelle, et adopté un comportement dénué d’ambiguïté consistant notamment à tenter de provoquer un contact physique. Elle avait également souligné que les salariées avaient souffert de cette situation au point d’alerter l’inspection du travail.

Devant la Cour de cassation, le salarié entendait faire tomber sa condamnation en invoquant un principe du droit pénal selon lequel « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre » (c. pén. art. 121-3, al. 1). Or, selon lui, il n’avait pas eu conscience d’avoir imposé son comportement aux deux victimes, dans la mesure où la cour d’appel avait bien constaté que le fait qu’il affirme qu’il n’avait pas « insisté » démontrait qu’il avait une mauvaise appréciation de son comportement.

 

 

Mais pour la Cour, même s’il a mésestimé la portée de ses agissements, le salarié a, en connaissance de cause, imposé aux victimes, de façon répétée, des propos ou comportement à connotation sexuelle les ayant placées dans une situation intimidante, hostile ou offensante objectivement constatée. La condamnation du salarié pour harcèlement sexuel était donc justifiée.

Cass. crim. 18 novembre 2015 n° 14-85591 FSPBI

 

 

3/ Congé de mobilité et prud’hommes.

 

Un salarié qui adhère au congé de mobilité peut contester le motif économique de rupture de son contrat.

Même si l’adhésion par le salarié à un congé de mobilité entraîne la rupture d’un commun accord de son contrat de travail, cela ne l’empêche pas de contester ensuite le motif économique de cette rupture. Il s'ensuit que l’employeur doit avoir préalablement informé le salarié de ce motif.

L’affaire.

- Une salariée avait demandé à adhérer au dispositif de départ volontaire prévu par un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC), en amont d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE). Suite à cette demande, la salariée avait reçu une proposition de congé de mobilité, qu’elle avait accepté et qui avait donc mis fin à son contrat de travail.

Le départ volontaire de la salariée par adhésion au congé de mobilité l’empêchait-elle de contester le motif économique de la rupture de son contrat de travail ? La réponse est non.

Rupture d’un commun accord, mais droit du salarié de contester.

- Rappelons que les entreprises et établissements d’au moins 1 000 salariés qui envisagent de licencier un ou plusieurs salariés pour motif économique ont l’obligation de proposer aux personnes concernées un congé de reclassement (c. trav. art. L. 1233-71). Toutefois, les entreprises qui ont conclu un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois (GPEC) peuvent, comme dans cette affaire, remplacer le congé de reclassement par un congé de mobilité (c. trav. art. L. 1233-77).

L’acceptation du congé de mobilité par le salarié entraîne la rupture du contrat de travail d’un commun accord (c. trav. art. L. 1233-80). Pour autant, précise la Cour de cassation, le salarié qui a adhéré au congé conserve la faculté de contester le motif économique ayant conduit l’employeur à lui faire une telle proposition.

 

 

 

 

 

 

Nécessité pour l’employeur d’indiquer le motif économique. - Cette décision a une conséquence immédiate pour les entreprises : elle implique, à notre sens, que l’employeur doit indiquer au salarié le motif économique de la rupture, vraisemblablement avant que celui-ci adhère au dispositif. À défaut, la rupture d’un commun accord sera automatiquement requalifiée en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Ce raisonnement est dicté par le régime applicable au contrat de sécurisation professionnelle (CSP), qui est, schématiquement, le dispositif d’accompagnement des licenciements économiques dans les entreprises de moins de 1 000 salariés. Là aussi, l’adhésion du salarié au CSP entraîne la rupture du contrat de travail, mais les juges ont ajouté que l’employeur devait donner au salarié le motif économique de la rupture, dans la perspective d’une éventuelle contestation (cass. soc. 17 mars 2015, n° 13-26941 FSPB).

Il doit a priori en être de même en cas d’adhésion au congé de mobilité, étant donné les similitudes entre les deux dispositifs. Cass. soc. 12 novembre 2015, n° 14-15430 FSPBR

Le motif économique n’est pas le seul point que le salarié peut contester à la suite d’un PSE. USAPIE défend actuellement de nombreux dossiers aux prud’hommes pour non paiement d’heures supplémentaires effectuées et caractérisées par un nombre de contacts très élevé.

4/ Le SMIC horaire sera porté à 9,67 € au 1er janvier 2016

A s’en tenir à un discours du Ministre du travail du 14 décembre 2015 devant la commission nationale de la négociation collective, le SMIC horaire devrait être porté de 9,61 € à 9,67 € au 1er janvier 2016 (+ 0,6 %, sans coup de pouce).

Le SMIC mensuel brut d’un salarié mensualisé devrait donc être, au 1er janvier 2016, de :

-1 466,62 € pour un salarié mensualisé soumis à une durée collective du travail de 35 h hebdomadaires ;

-1 650,99 € pour un salarié soumis à une durée collective de travail de 39 h hebdomadaires avec une majoration de 10 % de la 36e à la 39e h ;

- 1 676,13 € pour un salarié soumis à une durée collective de travail de 39 h hebdomadaires avec une majoration de 25 % de la 36e à la 39e h.

D’où l’intérêt d’avoir une convention collective ou un accord d’entreprise bien négociés par les syndicats.