Sommaire

 1/Le droit d’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes

 2/Le droit d’alerte en cas de danger grave et imminent

 3/L’alerte en cas de risque grave pour la santé publique ou l’environnement - ex CHSCT

4/Le droit d’alerte économique       

 5/Le droit d’alerte social

   

 

Le droit d’alerte du CSE

La mise en place du Comité Social et Economique (CSE) concentre en son sein des

prérogatives des anciennes instances représentatives du personnel, dont les droits d’alerte.

Autrefois répartis entre les différentes instances CE, DP et CHSCT, ces droits d’alerte sont désormais assumés par le seul CSE et intégrés sous une même section du Code du travail (art. L.2312-51 à L.2312-71 du Code du travail) :

1/L’alerte en cas d’atteinte aux droits des personnes - ex DP (art. L.2312-59 du Code du travail)

Dans quel cas peut-on mettre en œuvre ce droit d’alerte ?

si un membre de la délégation du personnel au CSE constate, notamment par l’intermédiaire d’un travailleur, qu’il existe une atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise qui ne serait pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir, ni

proportionnée au but recherché, il en saisit immédiatement l’employeur, il n’est donc pas nécessaire d’obtenir la majorité du CSE pour agir. Les atteintes peuvent être de plusieurs natures :

   Une atteinte aux droits des personnes

  • Une atteinte à la santé physique et mentale
  • Une atteinte aux libertés individuelles. 

Cette alerte peut donc viser un certain nombre de situations telles que des atteintes à la dignité (injures, propos racistes), le contrôle illégal de l’activité et la surveillance des salariés, des situations de harcèlement moral ou sexuel, des

atteintes aux libertés fondamentales telles que la vie personnelle, des mesures discriminatoires, etc.

Dans le cas d’une situation individuelle il sera nécessaire de recueillir l’autorisation d’un salarié avant de citer son nom.

Au préalable, ce droit d’alerte est ouvert à partir de 11 salariés contre 50 pour les autres

Il permet aux élus d’assurer le rôle de garant de la bonne application du droit.

Quid des représentants de proximité et de la commission SSCT ?

Les membres du CSE, qu’ils soient titulaires ou suppléants, peuvent alerter. Il est toutefois possible d’élargir ce dispositif à d’autres élus.

En effet, la loi ouvre la possibilité de prévoir, par voie d’accord, la mise en place de représentants de proximité élus parmi les membres du CSE ou par lui. Les attributions et les modalités de fonctionnement de cette instance sont fixées par accord. Il est donc tout à fait possible, comme cela a été mis en place dans certaines entreprises, de prévoir que ces représentants disposent de tout ou partie des droits d’alerte du CSE.

Généralement mis en place pour conserver une certaine proximité avec les salariés, ce partage de compétence peut trouver sa place notamment dans le cadre des droits d’alerte en cas de danger grave et imminent (ex droit d’alerte CHSCT) et d’atteinte aux droits des personnes (ex droit d’alerte DP).

De la même façon, il est possible de déléguer à la CSSCT ou de partager avec elle les droits d’alerte qui entrent dans son champ de compétence, par voie d’accord.

 

Comment fonctionne ce droit d’alerte ?

Dans un second temps, l’employeur doit :

Procéder sans délai à une enquête avec le membre du CSE

Prendre les dispositions nécessaires pour remédier à cette situation.

Enfin, en cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, le salarié (ou le membre de la délégation du personnel au CSE si le salarié intéressé averti par

écrit ne s’y oppose pas) peut saisir le bureau de jugement du Conseil de prud’hommes qui statue en urgence selon la forme des référés.

Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte qui sera liquidée au profit du Trésor.

La saisine du juge en référé confère à ce droit une grande force Elle est toutefois tempérée dans la mesure où elle ne donne pas le pouvoir d’agir pour empêcher un licenciement (Cass. soc., 10 déc.1997, n° 95-42.661).

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2/L’alerte en cas de danger grave et imminent - ex CHSCT (art. L.2312-60 du Code du travail)

Quand y a-t-il danger grave et imminent ?

Cette notion peut renvoyer à un certain nombre de situations. Le danger doit être grave, c’est-à-dire « susceptible de produire un accident ou une maladie entrainant la mort ou paraissant devoir entrainer une incapacité permanente ou temporaire prolongée » (Circ. DRT n°93-15, 25 mars 1993) et imminent, c’est-à-dire dont la réalisation peut intervenir dans un délai très proche.

Cela peut résulter d’une cause interne au salarié telle qu’une allergie aux agents auxquels est exposé le salarié (Cass. soc., 20 mars 1996, n°93-40.11) ou plus généralement d’une cause extérieure au salarié tel un défaut de conformité des installations de l’entreprise (Cass. soc., 1er mars 1995, n°91-43406).

Lorsque l’alerte concerne une situation individuelle, il est nécessaire selon nous, sauf cas extrême, de se conformer à la volonté du salarié. Il arrive très régulièrement que les salariés fassent part de leur mal-être ou de leur souffrance et demandent aux représentants du personnel de conserver confidentielle cette souffrance. Difficile d’avoir recours à l’alerte dans ce cas au risque d’être dans l’impossibilité d’enquêter.

Cela ne vous empêche pas d’agir par d’autres biais et notamment en mettant en avant un problème collectif qui pourrait concerner plus généralement un service, voire une direction. Cela pourrait justifier une inscription à l’ordre du jour de la réunion du CSE afin de solliciter une intervention conjointe avec la direction, voire même d’avoir recours à une expertise risque grave qui pourrait mettre en avant une problématique plus globale.

 

 

Comment fonctionne ce droit d’alerte ?

Si un membre du CSE constate qu’il existe une cause de danger grave et imminent (notamment par l’intermédiaire d’un travailleur) :

  • Il en alerte immédiatement l’employeur et consigne son avis par écrit dans le registre des dangers graveset imminents.
  • L’employeur procède immédiatement à une enquête avec le représentant du CSEqui lui a signalé le danger et prend les dispositions nécessaires pour y remédier.

Droit d’alerte ne veut pas systématiquement dire droit de retrait

Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé. Il peut se retirer d’une telle situation. Le droit de retrait renvoie également à la notion de danger grave et imminent, ce qui amène régulièrement à penser qu’ils sont indissociables. Pour autant, nous conseillons d’être vigilant sur le sujet.

En effet, si l’employeur ne peut, sous peine d’entraver l’instance, refuser d’enclencher la procédure d’alerte, il pourrait toutefois considérer que le retrait

est abusif, défalquer du salaire le temps non travaillé et sanctionner, voire licencier le salarié pour abandon de poste.

 

En cas de divergence sur la réalité du danger ou la façon de le faire cesser :

  • Le CSEest réuni d’urgence, dans un délai n’excédant pas 24 heures.
  • L’employeur informe immédiatement l’agent de contrôle de l’inspection du travail et l’agent du service de prévention de la CARSAT qui peuvent assister à la réunion du comité.

A défaut d’accord entre l’employeur et la majorité du comité sur les mesures à prendre et leurs conditions d’exécution, l’inspecteur du travail est saisi immédiatement par l’employeur.

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3/L’alerte en cas de risque grave pour la santé publique ou l’environnement - ex CHSCT

Quand y a-t-il un risque grave pour la santé publique ou l’environnement ?

Ce droit d’alerte invite à raisonner au-delà des risques internes à l’entreprise et vise l’atteinte à la santé publique ou à l’environnement. La formule du texte renvoie à une multitude de situations : évacuation de déchets, pollution de l’air et des sols, échappement de gaz, etc.

 

Quelle est la procédure applicable ?

Le principe est le même : si un salarié ou un élu constate un risque grave pour la santé publique ou l’environnement, il alerte l’employeur et consigne son alerte dans un registre spécial.

L’employeur examine la situation conjointement avec le représentant du personnel au CSE qui lui a transmis l’alerte et l’informe de la suite qu’il réserve à celle-ci.

En cas de divergence avec l’employeur sur le bien-fondé de l’alerte ou en l’absence de suite dans un délai d’un mois, le travailleur ou le représentant du personnel au CSE peut saisir le préfet (représentant de l’Etat dans le département).

NB : Notons que, là encore, le recours à des tiers extérieurs en cas de désaccord confère à ces droits d’alerte une force particulière qui permet souvent de faire bouger les lignes. 

Organiser les enquêtes dans le cadre du règlement intérieur ?

Obligatoire dans le cadre du CSE et destiné à couvrir le fonctionnement d’une instance qui regroupe les prérogatives CE, DP et CHSCT, il peut être opportun d’apporter certaines précisions dans le cadre du règlement intérieur telles que :
- Encadrement des délais
- Choix des interlocuteurs côté direction
- Méthodologie.

4/Le droit d’alerte économique - ex CE (art. L.2312-63 et suivant du Code du travail)

Dans quel cas peut-on avoir recours à ce droit d’alerte ?

Lorsque le comité d’entreprise a connaissance de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise. Le Code du travail ne précise pas cette notion.

La notion de situation économique est plus large et ne se résout pas à celle de la situation financière. Peu important s’il n’existe pas de difficultés économiques, le CSE pourra arguer de faits préoccupants.

Les exemples sont nombreux : un projet de délocalisation, une perte de clientèle, une baisse du chiffre d’affaires, une hausse de l’endettement, etc. Il peut demander à l’employeur de lui fournir des explications.

La jurisprudence fournit un certain nombre d’illustrations. Suite à l’acquisition d’une nouvelle filiale, la réorganisation de l’entreprise, qui concernait une partie

de son activité mondiale, les réponses de la direction étant insuffisantes, la jurisprudence a pu justifier de l’alerte (Cass. soc., 18 janvier 2011, n°10-30126). De même en cas de modification de la structure sociale et de cession d’actions (CA Paris, 1er chambre. B 21 juin 1990, RS 1990, n°794).

A contrario, l’existence d’un projet de fusion ne suffit pas à lui seul (Cass. soc., 30 juin 1993, n°90-20158) de même qu’un projet d’évolution des moyens informatiques (Cass. soc., 21 nov. 2006, n°05-45303).

Il peut être opportun de rencontrer en amont votre expert ou de prendre l’attache de notre service juridique afin de vous aider à réunir les éléments nécessaires à la mise en œuvre de la procédure d’alerte économique.

NB : Dans une configuration CE, CCE, la jurisprudence a déjà pu considérer que le droit d’alerte ne pouvait être mis en œuvre qu’au niveau central (Cass. soc., 26 septembre 2012, n°11-12548). Cette solution est transposable à la configuration CSE d’établissements, CSE central.

Comment fonctionne ce droit d’alerte ?

Le CE demande à l’employeur de fournir des explications.

Si le comité n’a pu obtenir de réponse suffisante de l’employeur ou si celle-ci confirme le caractère préoccupant de la situation, il (ou la commission économique le cas échéant) établit un rapport.

Poser des questions précises, multiplier les réunions si nécessaire

Les contestations sont nombreuses en matière de droit d’alerte, notamment en ce qu’il permet de désigner un expert. Pour éviter de se voir contester, il est conseillé de réunir un maximum d’éléments sur la situation préoccupante en posant des questions. Il ne s’agit pas de se contenter de document. Le caractère contradictoire, insuffisant ou incohérent des explications données permet de justifier l’alerte (Cass. soc., 18 janvier 2011, n°10-30126)
Il peut être opportun de se mettre en amont d’accord sur un calendrier de réunion, voire de solliciter des réunions extraordinaires.

Ce rapport, est transmis à l’employeur et au commissaire aux comptes.

Le rapport doit émettre un avis sur l’opportunité de saisir l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance dans les sociétés ou personnes morales qui en sont dotées, ou d’en informer les associés dans les autres formes de sociétés ou les membres dans les groupements d’intérêt économique. La décision de saisine doit, elle, être prise à la majorité des membres présents. Deux conditions existent donc.

Cette demande d’explication est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance du conseil d’administration ou de surveillance, ou à l’organe en charge de ces missions.

L’assistance d’un expert-comptable

Pour rédiger ce rapport, le CSE peut se faire assister, une fois par exercice comptable, d’un expert-comptable. Le CSE ne pourra donc se contenter du rapport de l’expert-comptable.

Il convient d’inscrire cette possibilité à l’ordre du jour de la réunion du CSE.

NB : dans ce cadre, le CSE peut également convoquer le commissaire au compte et s’adjoindre deux salariés de l’entreprise choisis pour leur compétence en dehors du CSE. Ces salariés disposent de 5h chacun pour assister le comité ou la commission économique dans la rédaction du rapport.

Ce rapport doit émettre un avis sur l’opportunité de saisir l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance dans les sociétés ou personnes morales qui en sont dotées, ou d’en informer les associés dans les autres formes de sociétés ou les membres dans les groupements d’intérêt économique.

Au vu de ce rapport, le comité peut décider de procéder à cette saisine ou de faire procéder à cette information. Dans ce cas, l’avis de l’expert-comptable est joint à la saisine ou à l’information.

Attention

Désormais, l’expertise est cofinancée entre l’employeur et le CSE qui doit assumer 20% de son coût.

5/ Droit d’alerte sociale » - ex CE (art. L.2312-70 et L.2312-71 du Code du travail)

Ce droit d’alerte vise à renforcer les pouvoirs des élus sur l’évolution de l’emploi précaire au détriment de l’emploi stable. Il se décline en deux parties : l’interrogation de l’employeur et l’alerte de l’inspection du travail.

L’interrogation de l’employeur

En cas d’accroissement du nombre de salariés titulaires de CDD et/ou du nombre de salariés temporaires, l’examen de cette question est inscrit de plein droit à l’ordre du jour de la prochaine réunion ordinaire du comité à la demande de la majorité des membres.

Lors de cette réunion, l’employeur communique au comité :

  • le nombre de salariés titulaires d’un CDD et de salariés temporaires
  • les motifs des recours 
  • le nombre des journées de travail accomplies par ces salariés.

 

NB : Dans le cadre du CSE, les informations trimestrielles sont conservées. Dès lors, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, l’employeur doit transmettre chaque trimestre une information retraçant mois par mois, l’évolution des effectifs et de la qualification des salariés par sexe en faisant apparaitre :

  • Le nombre de salariés titulaires d’un CDI
  • Le nombre de salariés titulaires d’un CDD
  • Le nombre de salariés à temps partiel
  • Le nombre de salariés temporaires
  • Le nombre de salariés appartenant à une entreprise extérieure
  • Le nombre des contrats de professionnalisation.

L’alerte de l’inspection du travail

Lorsque le comité a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux CDD, aux contrats conclus avec une entreprise de portage salarial et au travail temporaire, ou lorsqu’il constate un accroissement important du nombre de ses contrats, il peut saisir l’agent de contrôle de l’inspection du travail.

  • Ce dernier adresse à l’employeur le rapport de ses constatations
  • L’employeur communique ce rapport au comité en même temps que sa réponse motivée aux constatations de l’agent de contrôle de l’inspection du travail
  • L’employeur répond, et précise, les moyens qu’il met en œuvre dans le cadre d’un plan de résorption de la précarité destiné à limiter le recours à ces contrats de travail.

Ce droit d’alerte est peu utilisé. Pour autant, cette alerte face au recours accru au travail précaire peut permettre de mettre en lumière une politique RH socialement dangereuse d’autant que ces emplois précaires, souvent imposés, sont encore et toujours destinés en pratique à certaines catégories de population et notamment aux femmes.