Obligation de reclassement lors d’un  licenciement économique ou un PSE

 

Un employeur soutenait avoir respecté son obligation de reclassement à partir du moment où il y avait fait des propositions aux salariés sur la base

des postes disponibles recensés par le PSE. Mais avait-il pour autant exploré toutes les possibilités offertes par le groupe et fait des offres précises, concrètes et personnalisées à chacun des salariés dont le licenciement était envisagé ?

L’affaire : une entreprise de l’agroalimentaire ferme un entrepôt

Une société de la grande distribution entendait fermer un entrepôt et avait proposé aux salariés concernés la modification de leur contrat de travail pour motif économique, sous la forme d’un transfert vers d’autres sites.

L’employeur avait essuyé au moins dix refus, puisqu’il avait ensuite élaboré un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), sous la forme d’un document unilatéral (c. trav. art. L. 1233-61).

Après homologation de ce plan par l’administration du travail (DIRECCTE à l’époque des faits, DREETS aujourd’hui), l’employeur fournit à chaque salarié une proposition de reclassement, sur la base d’une liste de postes disponibles recensés dans le PSE.

Treize salariés licenciés pour motif économique après avoir refusé la proposition de reclassement qui leur avait été faite avaient contesté la rupture de leur contrat de travail. Selon eux, l’employeur n’avait pas exploré toutes les possibilités de reclassement au sein du groupe.

 

Pour l’employeur, le périmètre de reclassement résultait du PSE

Lorsque l’entreprise appartient à un groupe, tout licenciement économique nécessite d’étendre le périmètre des recherches de reclassement aux entreprises du groupe dont l’organisation, les activités ou lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (c. trav. art. L. 1233-4).

Pour l’employeur, le périmètre de reclassement était limité aux postes qu’il avait proposés. En d’autres termes, pour identifier ce périmètre, il suffisait de s’en remettre à la liste des postes définis par le PSE, lequel, faut-il le rappeler, avait été homologué par l’administration du travail.

Mais l’argument est un peu court, tant pour la cour d’appel que pour la Cour de cassation.

La preuve du respect de l’obligation de reclassement dépasse le cadre du PSE

La Cour de cassation rappelle au préalable la teneur de l’obligation de reclassement : « il appartient à l'employeur, même quand un plan de sauvegarde de l'emploi a été établi, de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement prévues ou non dans ce plan et de faire des offres précises, concrètes et personnalisées à chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, de chacun des emplois disponibles, correspondant à leur qualification. »

Et elle ajoute que « si la preuve de l'exécution de l'obligation de reclassement incombe à l'employeur, il appartient au juge, en cas de contestation sur l'existence ou le périmètre du groupe de reclassement, de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis par les parties. »

En d’autres termes, l’employeur ne peut pas se retrancher derrière l’homologation de son PSE pour soutenir qu’il a satisfait à son obligation de reclassement. Le respect de cette obligation s’apprécie indépendamment du PSE, en fonction de critères qui lui sont propres.

La Cour de cassation s’appuie ici sur une jurisprudence bien établie (cass. soc. 26 mars 2002, n° 00-40898, BC V n° 106 ; cass. soc. 19 janvier 2011, n° 09-43523 D).

L’employeur ne démontrait pas à avoir respecté son obligation de reclassement

Ces principes étant rappelés, il suffit à la Cour de cassation de reprendre les constatations de la cour d’appel pour montrer que, dans cette affaire, l’employeur n’avait pas sérieusement exploré toutes les possibilités de reclassement au sein du groupe.

En effet, il n'avait communiqué aucun élément permettant de vérifier que le périmètre de reclassement au sein du groupe qu'il avait retenu était exact au regard des critères de permutabilité (entreprises du groupe dont l’organisation, les activités ou lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel ; voir ci-avant).

L’employeur ne justifiait pas non plus de courriers de recherche de reclassement adressés aux entités du groupe dont il ne produisait aucun organigramme, ni même son registre d'entrée et de sortie du personnel.

En définitive, il apparaissait que l’employeur s'était borné à communiquer aux salariés une proposition individualisée sur une liste de postes disponibles recensés dans le PSE.

L'employeur ne justifiait donc pas du respect de son obligation individuelle de reclassement, de sorte que les licenciements étaient sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc. 22 avril 2024, n° 22-20650 FSB ; https://www.courdecassation.fr/decision/66445085b94eb60008b3d103