Sommaire :
1/Harcèlement de mauvaise foi.
2/insuffisance professionnelle
1/La Cour de cassation précise ce qu’est une dénonciation de harcèlement de mauvaise foi.
Cour de cassation, chambre sociale, 4 juin 2025, n° 24-12.086:
Une plainte classée sans suite n’est pas une preuve de mauvaise foi.
Une erreur de perception du salarié n’est pas non plus une faute.
Pour que le salarié puisse être sanctionné, il faut qu’il ait 𝐬𝐮 que les faits dénoncés étaient 𝐟𝐚𝐮𝐱.
Dans cette affaire, une salariée dénonce un harcèlement.
Son employeur la licencie, affirmant qu’elle a menti.
𝐌𝐚𝐢𝐬 𝐢𝐥 𝐧𝐞 𝐩𝐫𝐨𝐮𝐯𝐞 𝐩𝐚𝐬 𝐪𝐮𝐞 𝐥𝐚 𝐬𝐚𝐥𝐚𝐫𝐢𝐞́𝐞 𝐬𝐚𝐯𝐚𝐢𝐭 𝐪𝐮𝐞 𝐜’𝐞́𝐭𝐚𝐢𝐭 𝐟𝐚𝐮𝐱.
Résultat: licenciement annulé, indemnisation lourde à la clé.
Ce que tout DRH doit retenir:
Le salarié est protégé même si les faits ne sont pas prouvés
- Le salarié ne peut être sanctionné que s’il a sciemment menti
- La charge de la preuve revient à l’employeur
- Mentionner une dénonciation dans un licenciement sans preuve de mauvaise foi est une erreur stratégique et juridique.
Cour de Cassation – Arrêt du 18 juin 2025 – n° 23-19.022
Harcèlement: la qualité de l'enquête peut être remise en cause Un employeur qui licencie un salarié pour des faits graves (ici, des agissements à caractère sexiste et sexuel) doit produire des éléments de preuve solides, complets et vérifiables.
Dans cette affaire, la Cour de cassation rejette le pourvoi de l’employeur, estimant que:
• L’enquête interne était partielle, très lacunaire et incomplètement produite;
• Certains témoignages étaient tronqués ou caviardés, sans justification claire;
• Et surtout: le doute profite au salarié quand les éléments avancés ne sont pas pleinement étayés.
Ce que la Cour confirme:
• Une enquête interne n’a de valeur probante que si elle est rigoureuse, complète et contradictoire;
• Elle ne peut pas être « à géométrie variable », selon la stratégie de l’employeur ;
• Et le droit d’accès du salarié à ses courriels professionnels (contenu + métadonnées) est confirmé au titre du RGPD – un refus injustifié est fautif et indemnisable.
2/pas de licenciement pour insuffisance professionnelle sans formation ni accompagnement du salarié.
La chambre sociale de la Cour de cassation a rendu, le 9 juillet 2025, un arrêt important en matière de droit du travail et de procédure (Cass. soc. 9 juillet 2025). À l’occasion d’un contentieux relatif à un licenciement pour insuffisance professionnelle, la Haute juridiction rappelle deux règles fondamentales : l’employeur ne peut se contenter de constater des insuffisances : il doit avoir respecté son obligation d’adaptation et de formation du salarié.
En appel, lorsqu’une partie demande simplement la confirmation du jugement, elle s’approprie les motifs de première instance. La cour d’appel doit donc y répondre expressément si elle entend infirmer la décision.
En principe, l’insuffisance professionnelle n’a pas de caractère disciplinaire, sauf lorsqu’elle résulte d’une abstention volontaire ou d’une mauvaise volonté délibérée du salarié.
Le plus souvent, ne sont donc pas en cause des comportements fautifs, mais l’incapacité du salarié, sans lien avec l’aptitude physique au travail, à remplir les fonctions ou les tâches qui lui sont confiées. Peuvent ainsi être reprochés : un travail de qualité insuffisante, des objectifs non atteints, des négligences ou des erreurs répétées, des compétences manifestement insuffisantes ou encore des échecs à des formations obligatoires.
Le licenciement pour insuffisance professionnelle doit reposer sur des éléments objectifs, circonstanciés et vérifiables. Il appartient aux juges du fond de s’assurer de la réalité et du sérieux des griefs avancés.
En l’espèce, un chef de secteur, salarié depuis 2013 est licencié en 2018 pour insuffisance professionnelle.
Contestant son licenciement devant le conseil de prud’hommes, il obtient gain de cause : le licenciement est jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’employeur n’ayant pas démontré avoir proposé une formation ou un accompagnement adapté.
Saisie par l’employeur, la cour d’appel infirme cette décision estimant que l’insuffisance professionnelle suffit à justifier la rupture.
Le salarié se pourvoit alors en cassation, reprochant à la cour d’appel de ne pas avoir répondu aux motifs essentiels retenus par les premiers juges, qu’il avait expressément repris à son compte en appel.
La chambre sociale censure la cour d’appel et rappelle deux points importants :
- Sur le fond : l’insuffisance professionnelle ne suffit pas si l’employeur n’a pas respecté son obligation de formation et d’adaptation.
- Sur la procédure : en vertu de l’article 954 CPC, la partie qui demande la confirmation d’un jugement est réputée s’approprier ses motifs. La cour d’appel ne pouvait donc ignorer les motifs retenus par les premiers juges.
L’affaire est donc renvoyée devant une autre cour d’appel.
Ce qu’il faut retenir.
Avant d’engager un licenciement pour insuffisance professionnelle, l’employeur doit être en mesure de démontrer que le salarié a eu les moyens de réaliser sa prestation de travail (formation, tutorat, accompagnement, plan de retour à la performance…).
À défaut, le licenciement pourra être jugé abusif, même si les insuffisances sont établies.
En appel, demander la confirmation d’un jugement revient à s’approprier intégralement les motifs de première instance : la cour d’appel est donc tenue d’y répondre, sous peine de voir sa décision censurée par la Cour de cassation.
La Haute juridiction impose ainsi un contrôle rigoureux ; il ne suffit pas de constater une insuffisance professionnelle, encore faut-il examiner l’ensemble des arguments relatifs aux obligations légales de l’employeur.
À noter que, dans cette affaire, le conseil de prud’hommes avait finalement bien jugé en première instance…