Rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié :

Quelle différence entre Prise d’acte ou résiliation judiciaire

 

Dans la prise d’acte, le résultat peut aboutir à un licenciement injustifié si la demande du salarié est reçue positivement par les Juges prud’homaux, dans le cas contraire, il s’agit d’une démission avec les conséquences associées.

La prise d’acte consiste pour le salarié à notifier la rupture du contrat de travail à son employeur. Le salarié impute la responsabilité de son contrat de travail à son employeur en raison du manquement de ce dernier à ses obligations contractuelles. Les raisons invoquées doivent être suffisamment graves pour justifier de la rupture du contrat de travail. Le Code du travail ne régit pas ce mode de rupture du contrat de travail. C'est la jurisprudence qui définit les règles à respecter.

Quels sont les griefs qui permettent au juge d’imputer les torts exclusifs de la prise d’acte à l’employeur ?

Les manquements de l’employeur à l’origine de la prise d’acte doivent être suffisamment graves pour que le salarié mette un terme immédiat à son contrat de travail. Cela exclut donc les manquements anciens de plusieurs mois, même suffisamment graves, sauf à ce qu’ils se poursuivent.

Toute faute de l’employeur ne permet pas forcément de justifier une prise d’acte de la rupture de son contrat de travail. Ainsi, un léger retard de paiement, le non-paiement d’une prime ou encore une erreur de calcul, ne sont pas considérés comme des manquements suffisamment graves rendant impossible la poursuite de la relation de travail.

En revanche, peuvent être considérés comme des manquements graves de l’employeur :

  • L’atteinte à l’intégrité physique ou morale du salarié,
  • Le harcèlement moral ou sexuel,
  • Le manquement à l’obligation de sécurité
  •   Le défaut de fixation des objectifs dont dépend la rémunération variable        du salarié,
  • Le non-paiement des salaires,
  • La brusque modification unilatérale du contrat de travail,
  • Des mesures vexatoires…

➜ Procédure simplifiée : Le salarié qui a recours à la prise d’acte doit saisir le Conseil des prud’hommes. Selon l’article L1451-1 du Code du travail, l’affaire est portée directement devant le bureau de jugement qui doit statuer au fond dans le délai d’1 mois après sa saisine. Le salarié peut se faire assister d’un AVOCAT spécialisé en droit du travail, ou par un défenseur syndical.

La prise d’acte d’un salarié ne requiert aucun formalisme (Cass. Soc. 4-4-2007 n°05-42.847). Il est tout de même préférable que le salarié notifie son intention par courrier recommandé avec AR (accusé de réception) à son employeur en listant les griefs qu’il a à son encontre.

Il peut également se faire représenter par un représentant du personnel pour adresser le courrier à l’employeur (Cass. Soc. 16 mai 2012, n° 10-15238). Ce courrier permet de donner une date précise à la rupture du contrat de travail. La charge de la preuve des manquements au contrat de travail

C’est au salarié d’apporter la preuve des transgressions qu’il reproche à son employeur. Cependant, l’employeur sera également tenu de se justifier. Par exemple, dans le cas de manquement à son obligation de sécurité, il devra fournir la preuve contraire au Juge.

Quelles sont les conséquences de la prise d’acte ?

La prise d’acte prend effet à compter de la notification par le salarié à son employeur. Le salarié n’est pas tenu d’effectuer son préavis. En revanche, les conséquences ne sont pas les mêmes suivant la décision du Conseil de prud’hommes. En effet, le Juge peut valider la prise d’acte ou non.

La prise d’acte est justifiée

Dans ce cas, le Juge estime que les manquements invoqués par le salarié sont suffisamment graves pour justifier la prise d’acte. Le juge re-qualifie alors la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le salarié peut bénéficier :

  • d’une indemnitéde licenciement;
  • d’une indemnité compensatricede préavis et de congés payés;
  • et éventuellement de dommages et intérêts

La prise d’acte est injustifiée

Lorsque le Juge estime que la prise d’acte est injustifiée, celle-ci est re-qualifiée en démission. Si la situation le permet, la relation contractuelle de travail peut être reprise.

Le salarié peut être condamné à verser à son employeur une indemnité pour non-respect du préavis.

C’est pourquoi la loi du 1er juillet 2014 est venue imposer au Conseil de prud’hommes statuant sur une demande de qualification de la rupture du contrat de travail de statuer sur celle-ci dans un délai d’un mois.

Résiliation judiciaire, si les Juges prud’homaux font droit à sa demande, le licenciement du salarié est donc sans cause réelle et sérieuse. dans

le cas contraire, le contrat de travail est maintenu comme si « de rien n’était ». le salarié ne perçoit néanmoins aucune indemnité.

En revanche, peuvent être considérés comme des manquements graves de l’employeur, les mêmes que ceux listés pour la prise d’acte➜ Délai pour agir : Le salarié peut avoir recours à la prise d’acte à partir du moment où il

constate un fait suffisamment grave pour justifier de la rupture de son contrat de travail.

La procédure

La résiliation judiciaire ne connait pas de procédure particulière si ce n’est la saisine du conseil des prud’hommes. Durant toutes les démarches, les deux parties doivent maintenir le contrat de travail qui les lie. L’employeur peut également licencier le salarié pour d’autres faits en cours de contrat, postérieurement à la demande de résiliation.

Il appartient en principe au salarié de prouver la gravité des manquements aux obligations contractuelles par l’employeur (Cass. soc. 28 nov. 2006, n° 05-43901) et l’existence d’un doute profitera à l’employeur (Cass. soc. 19 déc. 2007, n° 06-44754). En revanche, il incombe à ce dernier d’apporter les preuves nécessaires de ses actions si on lui a reproché de manquer aux obligations de sécurité (Cass. soc. 12 janv. 2011, n° 09-70838) ou d’adaptation du poste de travail suite à une inaptitude de l’employé (Cass. soc. 14 oct. 2009, n° 08-42878).

Les manquements d’un ancien employeur en cas de transfert d’entreprise (L1224-1 CT) peuvent toujours être reprochés dans le cadre de la gestion du nouvel employeur pour une procédure de demande de résiliation judiciaire.

Les conséquences de la résiliation judiciaire

  • Succès des procédures

La résiliation judiciaire du contrat du travail est prononcée aux torts de l’employeur lorsque les manquements de celui-ci à ses obligations sont considérés comme suffisamment graves par le juge. La rupture prend alors les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 17 mars 1998, n° 96-41884).

Dans ce cas, l’employé perçoit une indemnité de licenciement, une compensation des congés payés et une autre pour le préavis, même s’il n’a pas pu l’effectuer (Cass. soc. 13 mai 2015, n° 13-28792). Il peut demander des dommages-intérêts pour compenser le préjudice subi et a droit aux indemnités de chômage. Dans le cas d’un salarié protégé, la résiliation judiciaire prend la forme d’un licenciement nul (Cass. soc. 26 sept. 2006, n° 05-41890).

Le contrat prend alors fin le jour de la décision judiciaire lorsque l’employé a continué de travailler pour l’employeur durant les procédures

(Cass. soc. 11 janvier 2007, n°05-40626). En revanche, si le salarié est licencié pendant les démarches, on retiendra la date d’envoi de la lettre de licenciement pour mettre fin au contrat.

Lorsque le contrat a prévu une clause de non-concurrence, le délai de renonciation y afférent court à compter de la date de jugement. Enfin, une rupture du contrat imputable à l’employeur rend caduque toute clause de dédit formation (Cass. soc. 11 janv. 2012, n° 10-15481).

  • Échec de la procédure

Lorsque le juge a statué que les violations de l’employeur n’étaient pas suffisantes, le contrat de travail poursuit ses effets normalement. L’employé n’est pas considéré comme démissionnaire et le simple fait qu’il ait demandé une résiliation judiciaire ne peut pas constituer un motif de licenciement (Cass. soc. 21 mars 2007, n° 05-45392).