Forfait jours : la Cour de Cassation ne remet pas en cause le système, mais lui fixe un cadre

Dans un arrêt rendu le 29 juin 2011, la chambre sociale a statué sur les conditions de validité du forfait jours. Elle donne ainsi toute sa place aux accords collectifs pour encadrer ce système de décompte du temps de travail.

Dans cette décision, la Cour considère que ce système n’est pas contraire aux exigences de la charte sociale européenne dès lors que ses conditions d’application prévues par l’accord collectif le prévoyant assurent la protection de la sécurité et de la santé des salariés visés.

Rappelons que ce dispositif légal, mis en place par la loi du 19 janvier 2000 sur les 35 heures, dite loi Aubry II, a inauguré, pour les cadres non-dirigeants mais dotés d’une certaine autonomie dans l’organisation de leur temps de travail, un mode de décompte du temps de travail en jours travaillés

Les cadres concernés sont ainsi assujettis à un forfait jours annuel dès lors qu’un accord collectif étendu ou un accord d’entreprise ou d’établissement en permet la mise en œuvre et à condition qu’une convention individuelle (avenant au contrat de travail) conclue avec le cadre concerné constate l’acceptation de ce dernier.

La loi du 2 août 2005 a élargi ce dispositif aux salariés non cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur temps de travail et la loi du 20 août 2008, si elle n’y a pas apporté de modification substantielle, a admis à certaines conditions un dépassement du nombre limite de jours travaillés dans l’année. Elle permet ainsi, par un simple accord contractuel conclu entre le salarié et l’employeur d’augmenter jusqu’à 235 jours le forfait alors que le nombre maximum de jours prévu par la loi est de 218 ou que celui prévu par l’accord collectif instituant le forfait est inférieur.

Dans l’arrêt rapporté, il n’était pas discuté, d’une part, que le salarié demandeur, “cadre autonome” était bien justiciable du régime du forfait en jours, d’autre part, qu’un accord de la branche métallurgie du 28 juillet 1998 modifié par deux avenants des 29 janvier 2000 et 14 avril 2003 autorisait le recours à ce dispositif.

Toutefois, cet accord de branche imposait à l’employeur d’établir un document de contrôle des journées et demi-journées de travail, des temps de repos et congés ainsi des modalités d’un suivi régulier de l’organisation et de la charge de travail.

Le salarié soutenait que faute par l’employeur d’avoir respecté les dispositions précises de l’accord collectif, la convention de forfait lui était inopposable et qu’il était fondé à réclamer le paiement des heures supplémentaires effectuées.

La cour d’appel avait rejeté ces prétentions.

Cette décision est cassée par la chambre sociale. Elle donne raison au salarié au motif que l’employeur n’a pas observé les stipulations de l’accord de branche de nature, selon la Cour de Cassation, a assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié.

En effet, en examinant l’accord de branche applicable au litige, la Cour de Cassation a constaté qu’il contenait des mesures concrètes d’application des conventions de forfait en jours de nature à assurer le respect des règles impératives relatives à la durée du travail et aux temps de repos, de sorte que le régime de forfait assorti de telles garanties était conforme aux exigences tant de l’alinéa 11 du préambule de la Constitution de 1946 que des normes sociales européennes visées par l’article 151 du Traité FUE et les directives de l’Union européenne en matière de temps de travail.

Revenant sur sa jurisprudence résultant de son arrêt du 10 janvier 2010 (n° 08-43.201), où elle avait jugé que le défaut d’exécution par l’employeur des stipulations conventionnelles relatives aux modalités de suivi de l’organisation du travail des salariés soumis au régime du forfait en jours ne remettait pas en cause la validité de la convention organisant ce régime mais ouvrait seulement droit à dommages-intérêts pour le salarié concerné, elle décide ici, que les défaillances de l’employeur, dès lors qu’elles privent le salarié de toute protection de sa santé, privent également d’effet la convention de forfait en jours conclue avec ce dernier.

Cass. soc. 29 juin 2011 n° 09-71.107

 

Notre commentaire

C’est, donc vers les partenaires sociaux que la Cour de Cassation se tourne. Un accord collectif étant obligatoire pour mettre en œuvre un décompte du temps de travail en jours, ses signataires devront prévoir des stipulations permettant de garantir le respect de la sécurité et de la santé des salariés visés. Par exemple, des durées maximales de travail quotidiennes ou hebdomadaires, ou un contrôle du nombre de jours travaillés ou encore un système de suivi de la charge de travail pourront être opportunément stipulés.

À défaut d’accord collectif prévoyant des garanties suffisantes, le salarié pourra contester l’application de sa convention de forfait jours et demander au juge un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires ayant été couvertes par le forfait devenu illicite.

 

 


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