La mise à pied conservatoire possible avant un licenciement non disciplinaire
La Cour de cassation a statué le 3 février 2010 sur la problématique suivante : « Le prononcé d’une mise à pied à titre conservatoire n’implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire ».
En pratique, à l’issue d’une mise à pied conservatoire, l’employeur est désormais autorisé à prononcer :
· Un licenciement disciplinaire ;
· Mais aussi un licenciement pour insuffisance professionnelle si les faits à l’origine de la mesure conservatoire peuvent s’analyser ainsi ;
· Ou encore une sanction mineure, c’est-à-dire : Avertissement, blâme, mise à pied disciplinaire couvrant éventuellement la période de mise à pied conservatoire.
Rappelons que l’employeur devra rémunérer le salarié pour la période correspondant à la mise à pied conservatoire, car seul un licenciement pour faute grave ou lourde le dispense à l’heure actuelle d’une telle obligation.
Cass, soc., 3 février 2010, n°07-44491
Un élu privé d'évaluation annuelle peut-il se considérer comme discriminé ?
L'employeur a l'interdiction de prendre en considération l'exercice de mandats représentatifs pour arrêter ses décisions en matière d'avancement ou de rémunération. L'élu ne doit donc pas percevoir un salaire inférieur à ses collègues. Ce principe signifie pour les juges que le salarié protégé peut se plaindre de ne pas avoir été promu.
En l'espèce, un élu du personnel lors de son départ en retraite, agit contre son employeur pour discrimination syndicale. À la différence de ses collègues, l'élu a en effet été privé d'entretiens d'évaluation pendant 7 ans. Il considère que cela a freiné sa carrière. L'employeur plaide que cet élu a bénéficié d'une rémunération équivalente à celle des autres salariés relevant de sa classification. L’absence d’entretien d’évaluation n’a pas eu de conséquence préjudiciable pour le salarié.
Mais la Cour de cassation condamne l'employeur, considérant que « l'absence d'entretien d'évaluation de l'intéressé pendant plusieurs années, à la différence d'autres salariés se trouvant dans la même situation, avait affecté ses chances de promotion professionnelle », « une telle différence de traitement a nécessairement causé un préjudice au salarié ».
Cass. Soc. 19 janvier 2010 n° 08-45.000
Harcèlement moral : Des précisions importantes apportées par la Cour de cassation
Dans plusieurs arrêts rendus depuis le début de l’année, la Cour de cassation a apporté des précisions importantes, d’une part sur la notion de harcèlement moral, et d’autre part sur l’étendue de la responsabilité de l’employeur.
La notion de harcèlement moral
Les méthodes de gestion du personnel mises en œuvre par un supérieur hiérarchique peuvent caractériser un harcèlement moral, dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
En l’espèce, le directeur d’une société soumettait les vendeurs à un management par objectifs intensifs et à des conditions de travail extrêmement difficiles se traduisant en ce qui concernait un salarié par la mise en cause sans motif de ses méthodes de travail notamment par des propos insultants et un dénigrement au moins à deux reprises en présence de collègues et ayant entraîné un état de stress majeur ayant nécessité un traitement et un suivi médical.
Cass . soc. 27 janvier 2010, n° 08-44107
Méconnaître la restriction d’aptitude temporaire constatée par un médecin du travail peut aussi constituer un harcèlement moral.
En l’espèce, un médecin du travail avait, à plusieurs reprises, déclaré une salariée responsable d’un rayon décoration d’un magasin de bricolage, apte à reprendre son poste sous réserve de ne pas porter pendant trois mois de charges lourdes avec une position « siège assis-debout impératif », sachant que cette restriction d’aptitude résultait d’un accident du travail.
L’employeur avait, malgré cet avis, imposé à la salariée d’effectuer des tâches de manutention lourde qui avaient provoqué de nombreux arrêts de travail. Puis, au vu des avis médicaux successifs qui déclaraient à chaque fois la salariée apte sous réserve de ne pas porter de charges lourdes, l’employeur proposa des postes de niveau inférieur à celui occupé par la salariée, en particulier à cinq reprises le poste d’hôtesse au service client qui était lui-même incompatible avec les préconisations du médecin du travail. Un poste, que la salariée refusa, ce que son employeur ne lui pardonna pas en la licenciant.
Sans surprise, ce licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, l’employeur n’ayant pas respecté les préconisations du médecin du travail.
Mais au surplus, le juge a considéré que le fait d’avoir imposé à la salariée le port de lourdes charges et d’avoir proposé à cinq reprises un poste de niveau inférieur à sa qualification étaient des faits constitutifs de harcèlement moral.
Cass . soc. 28 janvier 2010, n° 08-42616
Nul besoin que les faits de harcèlement se déroulent sur une longue période. Ainsi, les agressions verbales à l’égard d’une salariée, de la part d’un employeur qui lui avait dit « qu’elle le gonflait depuis le 1er jour » et de son épouse qui l’avait traitée « de bonne à rien et d’incapable », constituent un harcèlement moral, même si ces faits se sont déroulés sur une période relativement brève de 2 mois.
Cass. soc. 27 janvier 2010, n° 08-43985
L’étendue de la responsabilité de l’employeur
Même s’il a tenté de mettre fin aux faits de harcèlement moral, l’employeur est considéré comme responsable de la démission ou de la prise d’acte de la rupture décidée par le salarié en raison de ces faits de harcèlement.
En effet, prendre des mesures pour faire cesser les faits de harcèlement ne suffit pas, encore faut-il les prévenir pour les empêcher.
Le juge a ainsi condamné un employeur à verser des dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors que la salariée (responsable de la cafétéria d’un hôtel) avait démissionné.
En l’espèce, l’employeur arguait qu’il avait pris les mesures nécessaires pour préserver la salariée des faits de harcèlement du directeur de l’hôtel en la mutant dans un autre établissement et qu’en l’absence de tout précédent du directeur, il était dans l’incapacité absolue de prévenir l’altercation du 19 août, d’autant que le directeur avait nié les actes de violence, qu’il n’y avait pas de témoin et qu’en tout état de cause, il avait délivré au directeur un avertissement. Mais, l’employeur aurait du également prendre des mesures tendant à prévenir ces faits.
Par ailleurs, l’employeur tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel, quand bien même aurait-il pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements.
Dans une affaire, une salariée avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur de n’avoir pas pris ses responsabilités pour la protéger du harcèlement moral puis sexuel qu’elle subissait du fait d’un directeur associé.
L’employeur considérait qu’il avait pris les mesures adaptées à la situation. En effet, dès le moment où il avait pris connaissance de la teneur des écrits adressés par le directeur à la salariée et de la détresse qui en résultait pour celle-ci, il avait mis en œuvre des mesures conservatrices et protectrices destinées à permettre à la salariée de poursuivre son activité professionnelle au sein de la société en toute sérénité et sécurité.
Le reproche que lui faisait la salariée de ne pas avoir sanctionné le directeur ne pouvait, selon l’employeur, lui être adressé dans la mesure où ledit directeur avait démissionné de lui-même et quitté la société.
Pour autant, l’employeur a été condamné.
Cass. soc. 3 février 2010, n° 08-44019 et 08-40
Peut-on utiliser le vote électronique pour ratifier un accord collectif ?
Récemment la Cour de cassation a été amenée à répondre à cette question.
S’appuyant sur l'article D.2232-2 du Code du travail, elle a considéré que le vote électronique était exclu dans le cas du référendum. En effet, ce texte impose que la consultation se déroule "à scrutin secret et sous enveloppe". Et l'employeur ne peut pas déroger à cette disposition, décident les juges.
Cette décision permet d’éclairer l’application de la loi du 20 août 2008 où le referendum est prévu dans deux cas de figure, pour valider un accord collectif :
· Dans les entreprises qui n'ont pas encore procédé à des élections professionnelles depuis août 2008 et qui ne disposent pas des résultats au premier tour (carence de candidatures ou absence de quorum) ;
· Dans les entreprises dépourvues de délégués syndicaux qui signent un accord avec un salarié mandaté ou un représentant de la section syndicale.
Cass. Soc. 27 janvier 2010 n° 09-60240
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